Des Français et des Algériens ont rejoint l’Afghanistan pour combattre avec l’EI

 Des Français et des Algériens ont rejoint l’Afghanistan pour combattre avec l’EI

Village afghan (illustration)


Des Français et des Algériens, certains arrivant de Syrie, ont rejoint les rangs du groupe Etat islamique dans le nord de l’Afghanistan, où les insurgés ont établi de nouvelles bases, selon des sources concordantes interrogées par l’AFP. C’est la première fois que la présence de combattants français – tout au moins francophones – est confirmée au sein de l’EI en Afghanistan par des témoins et des responsables interrogés depuis Kaboul.


« Selon nos informations, un certain nombre de ressortissants français et d’Algériens sont arrivés il y a 15 à 20 jours dans le district de Darzab », dans le sud-ouest de la province de Jowzjan, affirmait début décembre le gouverneur du district, Baaz Mohammad Dawar. Le groupe est accompagné de plusieurs femmes et d’un interprète tadjik, selon lui. « Quatre de ces étrangers, dont deux femmes, parlent français et arabe », précise-t-il. « Sept à huit combattants algériens qui ne parlent qu’arabe sont avec eux, en plus de Tchétchènes, d’Ouzbeks et de Tadjiks. Parmi les Algériens de Darzab, certains ont déjà passé du temps en Syrie et en Irak ».


Des centaines de Français, parfois d’origine nord-africaine, ont rejoint l’EI au Moyen-Orient, induisant une possible confusion sur la nationalité des nouveaux venus. « On les appelle des Arabes, mais ils n’ont pas leur passeport sur eux », reconnaît le porte-parole du ministère de la Défense, le général Dawlat Waziri. « Je les ai vus de mes yeux. Ils sont grands, doivent avoir entre 25 et 30 ans. Ils portent des treillis militaires », raconte un sage, terrorisé.


La province de Jowzjan, frontalière de l’Ouzbékistan, est l’une des principales zones d’activité de l’EI en Afghanistan. Les combattants de Daech (acronyme arabe de l’EI, usité en Afghanistan) ont installé leur camp à quelques centaines de mètres de son village, Bibi Mariam, et de celui de Chahar Dara. « Ils ne parlent à personne, ils circulent à moto, ils vont à la frontière et reviennent », explique le vieil homme. « Des bergers qui s’étaient approchés pour faire paître leurs bêtes ont disparu : on n’a même pas retrouvé leurs verres à thé ».


 


Attentats suicide


Selon Hajji, ce camp est surtout formé d’étrangers, « 200 environ : un mélange d’Arabes, d’Européens, de Soudanais et de Pakistanais », qui ont commencé à arriver il y a six mois. Le district de Darzab est « à 95 % aux mains de Daech », confirme Akram, un autre villageois, tout aussi apeuré. « Beaucoup de gens ont fui, surtout ceux qui travaillent pour le gouvernement ».


Selon le porte-parole du gouverneur provincial, Mohammad Raza Ghafoori, l’EI a en outre recruté une cinquantaine d’enfants du district « de force ou en exploitant la misère des familles ». « Certains ont tout juste 10 ans. Ils ont un camp spécial pour eux dans le village de Sardare où ils les préparent à faire des attentats ».


L’EI veut faire de Jawzjan, dont il contrôle au total une dizaine de districts, un « hub logistique pour recevoir et entraîner les combattants étrangers », affirme Caitlin Forrest, de l’Institute for the Study of War à Washington. Pour le groupe armé, défait en Syrie et en Irak, l’Afghanistan devient un « refuge » d’où il pourra « planifier des attentats aux États-Unis », explique-t-elle dans un article.


Une source sécuritaire à Kaboul a confirmé à l’AFP l’arrivée « récente » dans ce secteur de Français, dont deux baptisés « les +ingénieurs+, qui semblent être venus pour organiser l’exploitation minière ».


 


Terre de refuge pour jihadistes


Au moins un Français a été arrêté « en juillet » et condamné à cinq ans de prison pour « entrée illégale sur le territoire » tadjik. L’homme, un plombier marseillais résidant à Cavaillon, dans le sud-est de la France, âgé d’une trentaine d’années, a reconnu qu’il voulait rejoindre l’EI en Afghanistan.


L’Afghanistan, aux contours compliqués et aux frontières poreuses, est de longue date une terre de jihad : c’est dans son sud-est et au Pakistan même que les moudjahidines formaient leurs combattants contre les Soviétiques dans les années 80, puis qu’Al-Qaïda entraînait ses candidats au jihad global.


De passage à Kaboul le 19 novembre, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait souligné la menace grandissante de l’EI en Afghanistan, après ses défaites en Irak et en Syrie.


Rached Cherif


(Avec AFP)

Rached Cherif