Le thé, un secteur en ébullition

 Le thé, un secteur en ébullition

crédit photo : Philip Lee Harvey/Cultura Creative/AFP


Le thé à la menthe a fait la réputation de l’hospitalité marocaine. Touristes et locaux l’apprécient, sans se douter qu’il s’agit d’un business assez récent. Si l’importation de thé vert au Maroc commence il y a trois mille ans, ce n’est que depuis le début du XXe siècle, que la ­demande a explosé, les Marocains (notamment la ­bourgeoisie citadine) le préférant aux infusions à base de verveine ou de thym. Et, derrière ce fameux vecteur de convivialité, se cache un secteur pesant 1,2 milliard de dirhams, soit 100 millions d’euros ! Un marché florissant pour le moment, mais non dénué de paradoxes.


 


Les importations ont doublé en dix ans


Etonnamment, les théiers ne poussent pas au Maroc. Le Royaume figure même parmi les premiers importateurs au monde, avec près de 50 000 tonnes par an, soit une consommation annuelle de 2 kg par habitant. Les thés verts utilisés, Gunpowder et Chun Mee, proviennent en grande partie de Chine, dont 27 % des ­exportations sont destinées au Royaume.


 


Pendant près de trente ans, ce produit de consommation courante était sous l’égide d’un monopole étatique, celui de Somathes, jusqu’à sa libéralisation, en 1993. Depuis, les chiffres parlent d’eux-mêmes. On est passé de 30 000 tonnes importées et 1 kg par habitant par an en 2005, au double dix ans plus tard ! Sur ce segment, se cachent une kyrielle d’entreprises (régionales et locales), mais aussi des PME, qui, à coups de marketing et de publicité, tentent de s’approprier une part du gâteau. Le groupe Asta, jusqu’alors spécialisé dans le café de qualité, s’est placé, en novembre dernier, en bonne position en reprenant les marques ­Kamanja et Bellar au groupe Benlafkih.


 


En outre, face aux nouvelles exigences du consommateur, les gammes proposées se distinguent, tant sur le plan qualitatif que gustatif. Idem pour les prix, qui s’échelonnent de 2 à près de 12 euros pour les meilleurs crus. Et c’est justement sur le segment du thé de luxe que se positionne Siti (Société impériale des thés et infusions), qui appartient à la famille El Baroudi. En l’espace de quelques années, ce groupe, leader mondial quasi incontesté du conditionnement du thé, a fait de Marrakech “the place to be” pour les producteurs de thé. Elle a même lancé une plateforme où l’on retrouve bien entendu les Chinois, mais aussi des producteurs sri-lankais, tanzaniens, kenyans, taïwanais, etc.


 


 


Un marché en pleine recomposition


 


Un marché lucratif, certes, mais en pleine recomposition en raison de la consommation accrue de thé vert dans le monde – notamment dans les pays émergents –, l’arrivée de producteurs africains et la hausse du salaire des ouvriers agricoles chinois. Depuis 2010, les prix du thé ont flambé de 30 à 40 %. Mais pas d’inquiétude ! Le thé à la menthe a encore de beaux jours devant lui, cette boisson ayant dans le cœur des Marocains, à l’instar du thé au jasmin en Tunisie, une place particulière.


 


 


La Suite de la Série ; Le thé, un secteur en ébullition


 


MAGAZINE MARS 2018

Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.