Des migrants expulsés à travers la forêt et abandonnés en pleine nuit en Algérie

 Des migrants expulsés à travers la forêt et abandonnés en pleine nuit en Algérie

L’un des postes marquant la frontière entre la Tunisie et l’Algérie. Rached Cherif/LCDA


Sans moyen de communication et sans ressources, une dizaine de personnes ont été déposées par la police tunisienne du côté algérien de la frontière dans la nuit de mercredi à jeudi. Une expulsion illégale que les autorités ont tenté d’effectuer secrètement au mépris des engagements de la Tunisie en matière de respect des droits humains et en mettant en danger la vie des personnes concernées, dont une femme enceinte.


 


Expulsion sauvage à travers la forêt


Au moment où la Tunisie se vante d’être la première démocratie du monde arabe et accueille en grandes pompes des représentants du monde entier, son administration menait en toute discrétion une opération de déportation illégale vers l’Algérie. 10 personnes, originaires de Côte d’Ivoire, du Cameroun et de Somalie, dont une femme en situation régulière sur le territoire tunisien, ont été transférées le 30 novembre du centre de rétention de Wardia vers la région de Kasserine.


« Vers 2h le matin du 1er décembre (les 10 migrants) ont été conduits à la frontière algérienne (…), séparés en petits groupes et emmenés à travers la forêt jusqu’à un village algérien », a expliqué au micro de RTCI Benoit Mayaux du bureau tunisien de l’ONG EuroMed Rights. « Une des ressortissantes ivoiriennes est enceinte, ce qui nous rend d’autant plus inquiets », a-t-il ajouté. Les déportés sont restés injoignables durant toute la journée du jeudi, succitant une vive inquiétude, en raison des basses températures de la nuit dernière dans cette région. Ils ont cependant pu reprendre contact avec leurs proches en Tunisie vendredi matin.


Le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) et EuroMed Rights ont tenté d’obtenir des clarifications auprès du ministère de l’Intérieur sans succès. Les dernières informations rapportent que les migrants ont pu contacter des membres de leurs communautés respectives et des associations en Algérie et être pris en charge . Ces personnes « avaient une vie Tunisie, où elles travaillaient et étudiaient », rappelle Alaa Talbi, qui dénonce cette expulsion sauvage. « Ce n’est pas la première fois que la police tunisienne tente d’expulser des gens en les mettant en grave danger », ajoute le directeur exécutif du FTDES.


 


Les politiques d’expulsion doivent avoir des bases légales


Un recours sera prochainement déposé devant le tribunal administratif par des avocats spécialisés. « Il est peu probable que ces personnes puissent revenir en Tunisie, mais nous devons dénoncer ces agissements, d’autant plus que l’une des femmes expulsées était en situation régulière », s’insurge une responsable associative souhaitant garder l’anonymat. « Même en situation irrégulière, les personnes ont des droits », et ces « déplacements forcés contreviennent aux conventions internationales ratifiées par la Tunisie (…) qui stipulent que les politiques d’expulsion doivent avoir des bases légales », rappelle M. Mayaux.


Son organisation tente, avec entre autres le FTDES, l’AESAT et Afrique Intelligence, de mobiliser désormais du côté algérien pour que les déportés soient mis à l’abri et puissent, s’ils le souhaitent, rentrer dans leurs pays. Pour rappel, la Tunisie a entamé en octobre dernier des négociations en vue de conclure avec l’Union européenne un accord de réadmission. Selon l’avant-projet proposé par la partie européenne, cet accord permettrait « l’expulsion vers la Tunisie de ressortissants de pays tiers », qui pourraient très bien connaitre le même sort que ceux qui ont été déportés ce jeudi.


Rached Cherif

Rached Cherif