Idir : ses amis et proches témoignent

 Idir : ses amis et proches témoignent


La mort de la légende de la chanson kabyle a pris tout le monde de court. Ses amis et proches ont accepté de nous livrer des témoignages sur celui qui est décrit comme un homme simple, plein d'humour et arrivant à créer une communion avec son public.


Claire Henault, tourneure, Caramba Production :


"Il était en fusion et en communion totale avec son public"



Cela fait 4 ans que je travaillais avec lui. C'est une expérience qui m'a énormément marqué. Son management avait choisi de changer de tourneur. Je m'en suis alors occupé. C'est une expérience humaine fantastique. Il était d'une gentillesse et d'une simplicité incroyable. A chaque fois que j'allais à un de ces concerts, j'en parlais à tout de le monde. Il était rayonnant et il y avait une vraie communion à chaque concert. Je n'ai jamais vu ça de ma vie, Personne ne peut rester indifférent à ça. Il y avait de l'amour avec son public et il était en fusion totale et en communion avec lui. J'ai travaillé avec beaucoup d'artistes. Je n'ai jamais vu ça ! Il était très fidèle avec des musiciens qu'il connaissait pour certains depuis 30 ans. C'est une grande histoire d'humanité, de rassemblement. Il a transcendé sa culture avec des collaborations. Il fait partie du patrimoine français, évidemment. Chez Sony, sa maison de disques, il était reçu comme un grand artiste. Il y avait beaucoup de respect et d'admiration pour l'artiste et la légende qu'il était. On a fait un concert au Grand Rex avec Maxime Le Forestier, Francis Cabrel, etc.. Tous ses artistes l'admiraient et l'aimaient. Idir dégageait beaucoup d'amour pour sa culture, son pays, son public.  On savait depuis longtemps qu'il était malade mais c'est une profonde douleur que l'on ressent aujourd'hui. Grand respect pour un grand Monsieur !


Djina Kettane, dirigeante de Beur FM


"Il était à Beur FM comme à la maison" 



La première fois que je l'ai rencontrée, c'était dans les années 90, grâce à Michel Levy qui produisait plusieurs artistes. Je connaissais ses chansons depuis l'âge de 10-11 ans en 1978. J'étais fan car je comprenais le kabyle. Ca m'avait touché par les mélodies et ses titres. Il venait souvent à la radio. Il a soutenu Beur FM à ses débuts. Ca a été notre parrain. Il était vraiemnt  chez lui à Beur FM. Nous avons suivi Idir dans son parcours et il nous a suivi également. Personellement, on le connaissait très très bien lui, son épouse et ses enfants. Il était très humble. Il a amené la culture amazighe au delà des frontières. Il s'amusait aussi de certaines situations. Il a fait partie de la vie du média, de ma vie, car c'était un frère, quelqu'un de la famille. Il n'y avait pas cette frontière avec l'artiste. Il était aussi un citoyen du monde. Ce n'est pas un artiste clivant. Il a su donner à partager. Aznavour le disait aussi quand il a chanté avec lui. Nous lui consacrons des émissions toute la journée avec des rediffusions de ceux qui l'ont connu. A 22h00, la parole sera donné aux auditeurs. Enfin toute la semaine, nous lui consacrerons un hommage.


 


Rabah Aït Hamadouche, Journaliste Grand Reporter TV :


"C'était un intellectuel et un grand poète"



On s'est rencontré il y a une douzaine d’années à la Mairie de Paris à l’invitation de Bertrand Delanoë qui organisait chaque année dans les salons de l’hôtel de ville, le nouvel an berbère, le Yennayer. On s'est rencontré en coulisses entre personnalités berbères. On a tout de suite sympathisé. Il a bercé mon enfance et comme beaucoup j'étais fan mais c'est un homme qui m'a donné immédiatement l'impression d'une grande humiiité et d'une grande humanité. On a de suite envie de le connaître. Il me faisait penser à mon père et à ces pionniers de l'immigration aux valeurs chevillées au corps comme l'humilité, la sagesse et surtout la dignité. C’était un intellectuel qui a fait de longues études d’ingénieur, mais surtout un grand poète qui a réussi à transmettre en chanson toute la culture orale kabyle ancestrale. Il a su remettre au goût du jour ces poèmes, contes, et fables afin de les transmettre aux nouvelles générations dont je suis. Sans lui, ce patrimoine délaissé serait aujourd’hui oublié. Ce n’est pas un hasard si L’Unesco vient aussi de lui rendre hommage. C’est un monument berbère qui s’éteint.


 


Louisa Ferhat, Adjointe au Maire du 15ème arrondissement de Paris 


"Il avait beaucoup d'humour. Il tenait ça de sa mère"



J'ai rencontré Idir en 1977. J'étais alors comédienne. Il est venu avec un ami alors que j'étais sur scène. De là est née une belle amitié. Idir était quelqu'un qui avait énormément d'humour. Je pense qu'il tirait cela de sa mère, que j'ai connue. Il était gentil et se battait pour sa culture et pour qu'elle ne disparaisse pas. Il faisait en sorte que sa culture amazighe ne disparaisse pas. Il défendait sa langue berbère dans le monde. Il était fier de sa langue comme les bretons, les corses, etc… Il a réussi à fusionner la langue berbère avec d'autres langues. C'est ce qui a fait sa force qui lui a permis de chanter. Je souhaite mes sincères condoléances à sa famille bien sûr mais aussi à toutes les personnes qui ont été bercées par sa musique.


Omar Bouchnak, chanteur marocain 


"Il nous a quitté trop tôt"



Il nous a quitté trop tôt. Nous avons eu l'occasion de jouer ensemble à l'Institut du Monde Arabe. C'était un moment fabuleux. Sa chanson culte "A Vava Inouva" est devenu un tube dans les années 70, l'un des premiers tubes venus directement d'Afrique du Nord. C'est une triste nouvelle pour le monde de la musique. Un grand monument de la chanson kabyle nous a quitté. Qu'il repose en paix.


 


Mustapha Amokrane (Zebda) :


"Idir fait aussi partie du patrimoine français"



Idir fait partie autant partie du patrimoine algérien que français. Pour nous les Français que nous sommes, Idir c’est nous ! Il est le chanteur algérien le plus connu en France. Quand Zidane va chez Drucker, il invite Idir. Son premier album, dont je connais toutes les chansons, est un album mythique, connu du monde entier. Il sort en 1976 en pleine période folk où les chanteurs bretons, occitans étaient à la mode. Grâce à lui, la langue kabyle devenait la langue de France au même titre que la langue bretonne ou occitane. (Voir ici la totalité de l'interview de Mustapha Amokrane par Nadir Dendoune)


 


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Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.