Hacen Boukhelifa : « A Béziers, l’interpellation n’était pas légale »

 Hacen Boukhelifa : « A Béziers, l’interpellation n’était pas légale »

Archives personnelles d’Hacen Boukhelifa


L'avocat est formel : l'interpellation à Béziers opérée par des policiers municipaux qui ont outrepassé leurs droits était intentionnelle et ne respecte pas le droit. Il revient aussi sur les fonctions de la police municipale, le tracking et nos libertés qui sont mises à mal par le confinement.


Un homme a été arrêté par la police municipale et est décédé à son arrivée au commissariat de police nationale à Béziers. Comment jugez-vous les faits ?


Je suis outré par le caractère horrible de  cet acte car il convient d'appeler l'action des policiers municipaux de Béziers, de véritable acte illégal pouvant conduire à une accusation de "meurtre avec préméditation". Il y avait une manifestation néfaste de "faire mal" à cet homme de 34 ans. Ils ont même avoué qu'ils pensaient qu'il dormait. Nul n'est dupe. Ils ont interpellé, avec leur seul pouvoir municipal, une personne qui se trouvait en dehors des heures de couvre-feu. Ils l'ont étouffé en s'asseyant sur son ventre. Il s'agit là d'une intention manifeste de vouloir porter préjudice à ce jeune homme d'origine maghrébine.


Pour vous, ce n'est pas un homicide involontaire ?


Absolument pas. Il y a une intention de faire mal et de blesser. C'est pour cela que je parle de préméditation dans l'acte.


Cette affaire pose la question de la sécurité et du rôle de la police municipale. Qu'est ce que la police municipale a le droit de faire ?


Les mairies disposent du pouvoir de constituer une police municipale, qui résulte des pouvoirs administratifs du maire. A Béziers, et au vu des intentions politiques du maire, cette police municipale a été armée. Selon la loi, dés la constation d'un délit sur la voie publique, les policiers municipaux doivent immédiatement en référer aux officiers de police judiciaire. Les policiers municipaux ne sont pas officiers de police judicaire (police ou gendarmerie). Seuls eux se doivent d'interpeller un individu arrêté par la police municipale. Ils ne peuvent en aucun cas, outrepasser leurs droits. Ces droits sont seulement ceux que leur confèrent le pouvoir administratif du maire et ils ne peuvent, à fortiori, menacer l'intégrité physique d'une personne.


Pourtant le décret du 23 mars 2020 a changé les droits de la police municipale…


Le gouvernement a en effet pris ce décret suite à la situation sanitaire. Cela n'enlève rien au fait que le Conseil d'Etat a, à mainte reprises, condamné des maires quand des policiers municipaux ont outrepassé leurs droits. Ceux-ci sont extrêmement encadrés par l'ordre administratif français.


On a assisté à un dépassement des prérogatives policières avec les chasseurs en Seine-et-Marne où le prefet a fait appel à eux avant de se rétracter. N'est ce pas dangereux de laisser ce pouvoir de police nationale à d'autres que des policiers ?


C'est exactement le terme. C'est très dangereux. Cela remet en cause l'idéal que nous mettons dans la République Française et de sa devise, Liberté, Egalité, Fraternité. C'est le problème des droits qui sont outrepassés, notamment par certains maires. Ils vont jusqu'à armer des policiers municipaux et c'est la porte ouverte à des dépassements de droits. Je constate une ambiance en France, depuis plusieurs années, autour de la sécurité. Des discours politiques de plus en plus violents font que l'on assiste à des dépassements. J'ai eu vent, en tant qu'avocat, de plusieurs incidents à travers le pays sur des interpellations violentes de la police nationale également, dont certaines ont été filmées. Certains policiers profitent de la situation. Certaines municipalités, comme Béziers, ont instauré des couvre-feux mais cela provoque la rupture d'égalité de tout citoyen face à la loi. Ce principe est essentiel car sinon on va assister à des couvre-feux différents, des polices municipales armées ou non. Ce genre de comportement peut mettre en péril notre République Française.


Le ministre de l'intérieur, Christophe Castaner, souhaite instaurer un système de tracking, des interactions sociales, appelé Stopcovid. En quoi nos libertés peuvent elles changer si ce système est mis en place ?


Les libertés peuvent être mis à mal en raison de la sauvegarde de toutes les données des citoyens Français et de ceux qui habitent en France. Qui va garantir leur sécurité ? Il y 'a bien sur la CNIL qui est compétente, Qui va garantir que les données personnelles qui seront transmises obligatoirement aux autorités Françaises ne seront pas utilisées à d'autres fins que celles avouées par le ministre de l'intérieur, Christophe Castaner ? Dés que l'on parle de tracking et/ou de fichage, c'est la problématique de la liberté individuelle et du respect de la vie privée qui est une donnée fondamentale dans notre droit Français.


Voir aussi : 


Béziers : Etrange décès au commissariat de police


 

Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.