Evacuation de la Jungle de Calais : l’art de déplacer le « problème »

 Evacuation de la Jungle de Calais : l’art de déplacer le « problème »

Des migrants de Calais se dirigeant vers un centre d’accueil et d’orientation à Calais


 


Suite à l'évacuation totale de la « Jungle » de Calais, 6000 à 8000 migrants ont été dispatchés dans les différents centres d’accueil et d’orientation (CAO) qui ont éclos dans toutes les régions françaises. Deux problématiques se posent : l’accueil réservé aux migrants dans les différentes régions, et  la prise en charge des nombreux mineurs non accompagnés…


 


Quel accueil en région ?


Au premier jour de cette évacuation, ce ne sont pas moins de soixante bus qui ont emmené les migrants aux quatre coins de la France. Les transporter jusqu’à leur destination est une chose, mais comment s’assurer de la bonne intégration de ceux-ci dans des régions où la population aura, dans le meilleur des cas, un œil curieux et bienveillant, mais pourra également être hostile face à ces nouveaux arrivants qui n’ont par forcément eu bonne presse.


Dans cette optique, l’association Singa compte créer une plateforme afin de favoriser l’accueil des réfugiés en mettant à disposition des outils inclusifs à destination des particuliers et collectivités locales. Nathanaël Molle, directeur de Singa, reste très lucide face à cette situation : « ce n’est pas une mauvaise chose en soi mais nous voyons deux conditions à un bon accueil : la préparation de la communauté locale et surtout l’intérêt des réfugiés à s’implanter à un endroit précis. Nous pourrions imaginer une sorte de mapping des secteurs d’activités et ainsi répondre à une demande. Une fois sortis de Calais pour aller en centre d’accueil et d’orientation (CAO), il existe peu de perspectives après la demande d’asile ». Une initiative intéressante qui pourrait être très utile dans les mois à venir.


 


Mineurs en danger ?


Ce sont plusieurs centaines de mineurs qui devront être placés dans des centres d’accueil provisoires (CAP). Ces derniers ne seront pas évacués dans les bus avec les adultes. Toutefois, à leur entrée dans les CAP, les choses risquent de ne pas être si évidentes, ne serait-ce que pour déterminer leur âge, et donc savoir s’ils ont bien le droit de rester dans ces CAP : « Les équipes de ces centres pourront procéder à une évaluation sociale de l’isolement et de la minorité en dehors de tout cadre légal puisque ces jeunes ne seront, à ce stade, ni confiés aux services de l’aide sociale à l’enfance d’un département ni signalés à l’autorité judiciaire. Ceux déclarés majeurs seront renvoyés dans des centres pour adultes, sans autre forme de procès » selon le GISTI (Groupe d'information et de soutien des immigrés). Ces derniers dénoncent un dispositif de mise à l’abri temporaire, « avec un encadrement éducatif au rabais », où les mineurs ne pourront pas bénéficier de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) pourtant prévue par les textes. Le GISTI est plutôt pessimiste quant l’avenir à moyen terme de tous ces mineurs : « on peut craindre qu’à dix-huit ans, alors qu’ils n’auront été ni pris charge par l’aide sociale à l’enfance ni scolarisés, ce ne soit vers des centres de rétention administrative qu’ils soient dirigés ».


 


Présentée comme une solution ultime, l’évacuation totale de la « Jungle » de Calais ne fait que déplacer le problème…


F. Duhamel

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