« Ce n’est pas un voyage comme les autres », Alexis Bachelay, député PS, à son retour de Palestine

 « Ce n’est pas un voyage comme les autres », Alexis Bachelay, député PS, à son retour de Palestine

Alexis Bachelay et deux autres députés PS


 


Cela faisait un bout de temps qu’Alexis Bachelay, député socialiste des Hauts-de-Seine voulait se rendre en Palestine. « On peut lire tous les livres que l’on veut, regarder tous les documentaires que l’on souhaite : c’est toujours mieux d’aller voir sur place », explique-t-il au Courrier de l’Atlas. Pendant 5 jours, du 23 au 27 septembre, Alexis Bachelay, accompagné de deux autres députés PS, a rencontré plusieurs associations, discuté avec des politiques. Cinq jours, d’une grande intensité, qui l’ont beaucoup marqué. 


 


LCDL : Comment vous sentez-vous ? 


Alexis Bachelay : Fatigué. Ce n’est pas un voyage comme les autres. Je voulais venir depuis quelques temps mais il fallait trouver le bon moment, pouvoir bien préparer ce voyage. Pendant cinq jours, nous avons entendu et vu beaucoup de choses. J’avoue que j’ai été bouleversé par ce voyage. Pourtant, je savais à quoi m’attendre mais de voir la situation de mes propres yeux, m’a terriblement affecté.


 


Quels ont été les moments forts de ce voyage ? 


Un matin, nous avons traversé toute la vallée du Jourdain où le problème de l’eau y est primordial. La société nationale israélienne exploite sur place 80% des exploitations hydrauliques ! Une eau qui est envoyée intégralement aux Israéliens et aux colons.  Les Palestiniens, qui ne contrôlent que 15% des ressources, n’ont alors pas d’autre choix que d’acheter l’eau aux Israéliens.


Nous avons également rencontré le ministre palestinien en charge des problèmes d’eau. Il nous a parlé du vaste projet de désalinisation de l’eau de Gaza qu’il essaie de concrétiser depuis plusieurs années déjà. La nappe phréatique à Gaza est polluée à plus de 97%. Et faute de système de traitement d’eau fiable, on court à la catastrophe. 

Je tiens également à rendre hommage à toutes les associations israéliennes de défense des droits de l’Homme, comme B'Tselem que nous avons rencontrée, qui font un travail remarquable et qui reçoivent quotidiennement des menaces, juste parce qu'ils défendent la justice et le droit pour les Palestiniens.  


 


Où en est-t-on de la colonisation ? 


Il y a partout des colonies. Elles poussent comme des champignons. Nous avons rencontré une ONG qui nous a expliqué en détail comment le gouvernement israélien, le plus à droite de l’histoire d’Israël, essaie par exemple de chasser les Palestiniens de Jérusalem. Ils ont aussi pour projet de rallonger le mur sur une longueur de plus de 300 kilomètres, afin de pouvoir annexer, c’est à dire protéger, les colonies qui pullulent en Cisjordanie, les rattacher à l’état d’Israël. Conséquence : beaucoup de villages palestiniens vont se retrouver de l’autre côté du Mur et vont devoir faire face à de nouveaux check-points s’ils veulent continuer à circuler.


 


Vous êtes allés également dans des villages palestiniens…


Oui. Comme à Qusra, en zone C (NDLR : « sous total contrôle » israélien). Un vieux fermier palestinien et sa femme nous ont raconté leur calvaire. Ils vivent à proximité d’une colonie. Quand ce ne sont pas des colons qui balancent des grenades lacrymogènes dans leur jardin, ils sont, soit insultés, soit molestés. Ils ne peuvent même pas porter plainte, de peur des représailles. Et puis, il n’y a qu’un 1% des plaintes qui aboutissent. Celle par exemple où les crimes commis par les colons sont les plus graves, quand les médias nationaux ou internationaux relaient l’information : c’est alors que le gouvernement n’a pas d’autre choix que de donner suite. 


 


De plus en plus d’enfants palestiniens sont également arrêtés…


La loi israélienne permet désormais de mettre en prison des enfants de 12 ans. Mais, nous avons recueilli plusieurs témoignages, nous indiquant qu’il arrive que des enfants de 6, 7 ans soient placés pour une nuit en garde à vue, juste parce qu’ils ont jeté des pierres sur les soldats. Imaginez le traumatisme subi pour cet enfant. Il aurait plutôt besoin d’un suivi éducatif, ou psychologique, mais certainement pas d'être jeté dans une cellule. 


 


Vous-vous êtes également entretenus avec Ayman Odeh, leader d’une coalition de députés arabes israéliens…


Effectivement. Une rencontre très intéressante. Sa liste a récolté plus de 10% aux dernières élections législatives. Un score inédit. Ayman Odeh est un homme politique de premier rang, très impressionnant  de maturité malgré son jeune âge (NDLR : il a 41 ans). Les discriminations au logement, à l’emploi, etc., que subissent les Arabes israéliens sont impressionnantes. 50% d’entre eux vivent en dessous du seuil de pauvreté. On a un peu tendance à l'oublier quand on parle de la Palestine. 


 


Pour en revenir à l’actualité, que vous inspire la mort de Shimon Pérès ?


Une mort symbolique. Avec sa disparition, c’est le dernier des hommes des accords d’Oslo qui s’en va, même si Bill Clinton est toujours vivant. Le présenter uniquement comme un artisan de la paix, ce n’est pas tout à fait vrai. Après les accords d’Oslo en 1993, il a trahi ses engagements en rejoignant le gouvernement d’Ariel Sharon. Shimon Pérès était un homme politique opportuniste et non un visionnaire. L’encenser aujourd’hui, je ne le ferai pas. Je resterai dans l’idée que les deux héros restent Arafat et Rabin (NDLR : ancien Premier ministre assassiné en 1995 par un extrémiste juif). 


 


Propos recueillis par Nadir Dendoune

Nadir Dendoune