Titre de séjour : quand les préfectures pratiquent des contre-enquêtes

 Titre de séjour : quand les préfectures pratiquent des contre-enquêtes


Arrivé en France en juin 2016, un Algérien de 19 ans, Tarik Chougar, s'est vu diagnostiquer une maladie grave. Pourtant, la préfecture du Tarn lui a refusé le titre de séjour et lui a même notifié une obligation de quitter le territoire français en janvier dernier. L'Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE) dénonce le fait que des préfectures passent au-dessus de l'avis des médecins compétents, allant jusqu'à mener des contre-enquêtes pour refuser des titres de séjour.


Contre-enquêtes


Pour décider de l'attribution, ou non, d'un titre de séjour pour raisons médicales, le préfet s'appuie sur l'avis d'un médecin de l'agence régionale de santé (ARS), compétence passée à l'OFII (office français de d'immigration et d'intégration) depuis janvier.


La procédure est protégée par le secret médical, sauf que, il arrive que certaines personnes mal informées présentent leur dossier à la préfecture. Depuis deux ou trois ans, possédant ces pièces, des préfectures mènent des contre-enquêtes en interrogeant les pays d'origine : « Considérant que l'avis rendu par l'ARS ne les satisfait pas, les préfectures connaissant le diagnostic se permettent de mener leur enquête de leur coté. Dans ce cas, la préfecture s'est adressée au consulat de France en Algérie pour demander si la maladie pouvait être soignée sur place. Les médecins travaillant avec le consulat ont, en général, tendance à dire que tout est possible. Suite à quoi les préfets prononcent des refus de séjour » explique Jérôme Host de La case de santé, « centre de santé communautaire » (Toulouse).


Des pratiques déjà constatées contre lesquelles il est difficile d'agir : « Sur ces affaires de contre-enquête, le Défenseur des droits a déjà donné des avis. Et il considère comme nous que le préfet n'a pas à discuter les avis rendus par l'ARS ou l'OFII. Nous l'avons saisi et très rapidement, il a demandé au préfet d'Albi de revoir sa décision. Le préfet a maintenu sa décision ».


Quels recours ?


Le préfet d'Albi n'est pas en faute puisque, comme l'explique Jérôme Host, juridiquement il n'est pas lié à l'avis de l'ARS. Mal, ou pas accompagné du tout, Tarik Chougar n'a pas fait appel de la décision devant les tribunaux, alors que la plupart des contentieux de ce type sont perdus par la préfecture.


Alertés tardivement de la situation par l'assistante sociale du lycée du jeune homme, La case santé et l'ODSE n'avaient plus que la solution d'écrire un courrier au Premier ministre, en mettant en copie le ministre de l'Intérieur ainsi que celui des Solidarités et de la Santé : « Notre courrier demandait de faire quelque chose, au moins pour l'assignation à résidence. Pointer trois fois par semaine au commissariat ou à la gendarmerie, et ça pendant les examens du bac. Le préfet avait répondu le 29 ou le 30 juin au Défenseur des droits, sauf que le bac était fini depuis deux semaines [Baccalauréat que Tarik Chougar n'a pas obtenu, ndlr]. Le préfet n'a répondu que sur ça ».


La case santé continue toutefois d’œuvrer pour, au moins, faire retirer la mesure d'éloignement, mais la préfecture reste inflexible : « Nous avons fourni des éléments matériels de preuves, nous avons notamment contacté le laboratoire SANOFI qui commercialise le médicament dont a absolument besoin Tarik. Le laboratoire nous a produit une attestation indiquant qu'ils ne commercialisent pas ce produit en Algérie. Nous l'avons transmis aux autorités préfectorales qui n'en ont rien fait ».


Une affaire à suivre pour ce cas révélateur de certaines pratiques laissant démunies des personnes potentiellement atteints de maladies graves.


CH. Célinain

Charly Célinain