Melha Bedia : « L’humour me sauve de tout »

 Melha Bedia : « L’humour me sauve de tout »

crédit photo : Alice Moitié


Dans son premier spectacle “Fat & Furious”, elle déjoue les clichés sur les rondes ou sur la virginité par l’autodérision. La petite sœur de l’humoriste Ramzy ironise aussi sur les injustices de son époque. A 26 ans, elle prépare déjà un long-métrage. 


Le titre du spectacle, Fat & Furious, annonce la couleur : ­l’humoriste manie l’autodérision avec malice. “Depuis que je suis enrobée, je fais des vannes sur ma silhouette, avant qu’on m’en fasse.” Elle plaisante aussi sur sa virginité assumée. “C’est un choix, par convictions personnelles et religieuses. Ça me fait rire de sortir des clichés : je suis ronde, vierge, mais je m’éclate !”


Son stand-up passe en revue les sujets de société qui la font bondir comme l’image négative des musulmans diffusée par les médias. “On est le paillasson du PAF !” Elle qui a étudié la Bible, le Coran et la Torah – “des livres qui disent la même chose, alors ­pourquoi ils s’embrouillent ?”- –trouve injuste que l’Islam effraie plus que les autres. Elle s’amuse aussi de la fierté des Algériens. “On pense vraiment être la race aryenne du Maghreb ! J’y suis allée seulement quatre fois mais je me sens profondément algérienne.” Des racines qui, selon elle, forgent la complexité de son  ­identité. “Il y a une bipolarité dans la binationalité.” Elle regrette qu’il n’y ait pas de reconnaissance de l’Etat français envers la génération de son grand-père. “Ils sont arrivés dans des bidonvilles, ils ont participé à la construction du pays. Il y a une place Dalida à Paris. Et pour ceux qui ont fabriqué les trottoirs alors ?”


 


En quête d’une autre vision de la féminité


Son grand frère Ramzy, du fameux duo Eric et Ramzy, lui a transmis le virus de l’humour. Elle se bidonne devant leurs sketchs et commence à rêver. “Mais j’ai mis du temps à l­’assumer.” De surcroît, Ramzy souhaitait que cette ­brillante élève, qui a ­décroché son bac littéraire à 16 ans, fasse de ­longues études. “Il voulait me protéger de ce milieu artistique ­difficile. Et il pensait que c’était une lubie. Or, c’est ma passion, c’est vital. L’humour me sauve de tout.” Elle déserte les bancs de la fac et devient styliste pour son amie Diam’s qui l’embarque en ­tournée. Remarquant son ­potentiel comique, la chanteuse la pousse à faire ses premières parties. “J’improvisais, je la ­chambrais sur le voile, ­l’Islam.”


Hypocondriaque, du genre à “passer un scanner du cerveau à 3 heures du matin”, Melha a même découragé SOS Médecin. C’est la nuit que ses angoisses décuplent. Mais, là aussi que sa créativité se libère. Elle vient de finir l’écriture d’un scénario, dont elle sera l’interprète principale : une comédie sur la ­difficile quête de féminité à 25 ans. “C’est un âge délicat, où il faut choisir un métier, un mec, un appart … L’image de la féminité ­renvoyée par les médias te plombe, plutôt que de t’aider à te construire.” Clap de début du tournage prévu cet été. De quoi rendre fier son grand frère. “Il me voit désormais comme la nouvelle Florence ­Foresti ! (rires) Il me demande même des conseils !” 


 


FAT & FURIOUS , de Melha Bedia Tous les jeudis et vendredis au Théâtre du Marais, 37, rue Volta, Paris IIIe

La rédaction du Courrier de l'Atlas