« Je vis la peur au ventre depuis dix ans », Myriam, victime de violences conjugales

 « Je vis la peur au ventre depuis dix ans », Myriam, victime de violences conjugales

Une femme


Depuis une dizaine d’années, Myriam (le prénom a été modifié), maman d’une fille de 9 ans et d’un garçon de six ans, est victime de « violences conjugales » alors qu’elle est divorcée depuis 7 ans de son bourreau. Elle dit qu’elle a passé 2 fois plus de temps à être harcelée, persécutée qu’à vivre en paix avec son époux. Ce lundi 27 avril, son ex-mari était jugé en comparution immédiate pour menaces de mort devant le Tribunal correctionnel de Créteil dans le Val-de-Marne. 


L'homme a écopé de douze mois de prison ferme avec mandat de dépôt (il a donc été placé en prison immédiatement), assortis d'une obligation de soins et de l'interdiction d'entrer en contact avec son ancienne compagne.


« Un jugement significatif », se sont félicitées plusieurs associations d’aide aux victimes. Myriam a accepté de se confier au Courrier de l'Atlas. 


LCDL : La décision de justice vous satisfait-elle ? 


Myriam : Oui, même si elle vient un peu tard. Ma première plainte, je l’ai déposée en 2011. Il a fallu trois ordonnances de protection, un téléphone grand danger, plusieurs peines de prison avec sursis, un mois de prison ferme en 2018, un bracelet électronique pour aboutir à cette décision.


Ceci dit, je ne suis pas sûre qu’à sa sortie de prison, il me laisse tranquille. Mon ex-mari est malade, il a des troubles de la personnalité déjà constatés lors d'une expertise médico-psychologique. S'il s'obstine à ne pas se prendre en charge et de demander de l'aide aux professionnels de santé, il continuera, j’en ai bien peur.


J’espère que la justice l’obligera à se soigner et demandera systématiquement à chaque audience un certificat de suivi médical et évaluera l’évolution de son état de santé avant de décider d’élargir ses droits parentaux.


Aujourd’hui, vous n’êtes donc pas rassurée ? 


Comment l’être ? Cela fait 10 ans que je vis dans la peur. Dix ans que je suis harcelée, dix ans qu’il menace de me tuer, dix ans qu’il m’empêche de vivre. Je ne dors plus, j’ai des maux de tête. Etre la cible d’un pervers c’est insupportable. J’ai été mariée seulement 3 ans avec lui, je suis divorcée depuis 2013 !, et ça continue encore et encore.


A chaque fois que je quitte mon appartement, que je rentre chez moi, que je sors dîner au restaurant, je m’attends à ce qu’il soit là.  Il a menacé mes amis, ma famille, mon employeur, mon avocat, la directrice de l’école, une juge qui ne lui avait pas donné satisfaction lors d’un jugement, un contrôleur de justice….Ce n’est pas une vie. Je tiens pour mes enfants. 


Justement, vous en avez la garde exclusive ? 


Effectivement. Le juge des affaires familiales me l’a accordée en 2013. J’ai obtenu l’exercice de l’autorité parentale exclusive. Mon ex-mari peut les voir sous certaines conditions, dans un espace rencontre (NDLR : lieu médiatisé), mais ça se passe toujours très mal malgré ce qu’il laisse entendre au juge.


A un moment donné, le juge des affaires familiales a tenté d’élargir ses droits parentaux en lui permettant d’avoir les enfants un week-end sur deux à son domicile mais il en a profité pour les violenter psychologiquement.


Par exemple, il a fait prendre des douches froides à notre fils qui avait 5 ans en plein hiver. J’ai porté plainte pour ces faits. Mes enfants ne veulent plus voir leur père. Il les terrorise, les menace. 


Vous dites que si la justice a été complaisante et lente pendant de longues années avant d’apporter une réponse pénale adaptée à son cas, c’est justement parce que vous avez des enfants avec lui ? 


Oui et c’est là tout le problème. Je crois sincèrement que si je n’avais pas eu d’enfants avec lui, les sanctions judiciaires seraient tombées plus vite.


Devant le juge des affaires familiales, mon ex-mari se met toujours à pleurer, il fait sa victime et on lui redonne une chance à chaque fois.


C’est vrai que l’idéal pour un enfant c’est de voir ses deux parents. Mais pourquoi continuer à autoriser quelqu’un à voir ses enfants et à les prendre tout le week-end alors que celui-ci désire la mort de la mère et qu’il se comporte comme un tyran avec ses propres enfants ?


Il m’a étranglée alors que j’étais enceinte de mon fils. Il n’aime pas ses enfants. Il ne se comporte pas comme un père. Il se sert juste de nos enfants pour pouvoir continuer à me harceler.


Même sans eux, il agirait de la même manière. Il n’accepte pas la séparation, d’ailleurs, un jour, il m’avait dit et écrit dans un mail : « si tu divorces je te mets une balle dans la tête ». 


On a laissé entendre que vous tentiez d'influencer vos enfants contre leur père…


Oui. J'ai été plusieurs fois accusée de vouloir instaurer « un conflit de loyauté », c'est-à-dire influencer mes enfants pour qu'ils soient contre leur père. Cela ne devrait même pas être le sujet dans le cas des victimes de violences conjugales.


Pour rappel selon des études, entre 40 et 60% des conjoints violents sont des parents violents. Très souvent, ils y ajoutent de la violence économique car ils paient rarement la pension alimentaire, c'est mon cas.


Vous avez été contrainte de déménager…


Oui, une première fois en 2015 et je vais devoir le faire à nouveau. Ce n’est pas normal mais je n’ai pas le choix. Mon ex-mari connait ma nouvelle adresse. En novembre 2019, lors d’une audience, il a récupéré le procès-verbal de ma plainte sur lequel figurait mon « identité précise ». 


Qu'entendez-vous par « identité précise » ? 


Fin 2018, je suis allée déposer plainte au commissariat d’Ivry. La policière en charge des violences conjugales a inscrit sur le procès-verbal mon nom, mon prénom, mon numéro de téléphone, mon adresse, les 3 digicodes de ma porte pour accéder à mon appartement, mon étage, mon numéro de porte, la totale quoi !


Quelques mois après, comme la loi le permet, mon avocate a remis ma plainte à mon ex-mari. Comme moi, elle n’a pas vérifié que mon « identité complète » y figurait.


Compte tenu du contexte, des violences subies depuis toutes ces années, de l’attribution d’un Téléphone Grand Danger, j’étais persuadée que toutes ces informations sensibles seraient cachées. 


Comptez-vous porter plainte contre cette fonctionnaire ?


Non, je compte plutôt signaler les faits afin que nos données personnelles les plus sensibles ne soient pas dévoilées en intégralité sur une plainte qu’un ex-conjoint violent connu de la justice (NDLR : 8 mentions dans le casier) pourrait récupérer. Le mal est fait me concernant.


Cependant, je pense aux autres victimes, car derrière cette révélation de l’identité complète, c’est la mort qui peut nous attendre.

Nadir Dendoune