Femme politique #2 : Alima Boumediene-Thiery, candidate citoyenne

 Femme politique #2 : Alima Boumediene-Thiery, candidate citoyenne

crédit photo : Patrick Kovarik/AFP


A Argenteuil, alors que le maire actuel et son prédécesseur rejouent le match pour la quatrième fois et que deux macronistes s’opposent, l’ex-sénatrice a pris la tête d’une liste citoyenne classée à gauche. Concurrencée par une autre liste de même sensibilité.


Dimanche 6 octobre, Alima Boumediene-Thiery obtenait 56 % des suffrages dès le premier tour d’une primaire organisée après plus de deux ans de concertation et de consultations à Argenteuil (Val-d’Oise). Une démarche d’envergure inégalée localement. Issu du monde associatif et politique, le collectif Argenteuil en commun, composé de sensibilités proches d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), de La France insoumise (LFI) et de communistes, de “gilets jaunes” et même de centristes, s’est fédéré hors des partis traditionnels.


“Je suis originaire d’ici et je me bats depuis toujours pour les droits des étrangers, contre les expulsions de sans-papiers ou les violences policières, lance la tête de liste. On était plusieurs à vouloir monter une liste citoyenne, progressiste, écologiste et anticapitaliste. On se connaît tous et on ne voulait pas partir les uns contre les autres. On s’est donc demandé comment désigner la personne qui allait mener la liste. On a d’abord préféré bâtir un programme commun puis mettre en place une primaire.”


A cette occasion, tous les Argenteuillais âgés de 16 ans et plus, quelle que soit leur nationalité, étaient appelés à voter. “Nous sommes favorables à la citoyenneté de résidence. Dès lors que vous contribuez fiscalement à la politique menée par la ville, vous devez pouvoir voter ! Ce grand moment démocratique nous donne une légitimité que d’autres n’ont pas.” Pour l’occasion, près de 300 personnes se sont déplacées pour départager les quatre candidats.


 


Une sensibilité verte


Mais cette volonté de rassemblement trouve ses limites face à trois autres listes de gauche, une division potentiellement préjudiciable comme en 2001, lors de la défaite du maire communiste sortant Roger Ouvrard. C’est lui qui a mis le pied à l’étrier à Alima Boumediene-Thiery, 63 ans, ex-conseillère municipale déléguée à la vie associative et à la citoyenneté, puis députée européenne sur une liste des Verts et sénatrice de Paris de 2004 à 2011. A l’époque, elle est membre du mouvement écolo avec lequel elle partage l’essentiel des combats mais qu’elle finit par quitter à cause de divergences sur la question palestinienne.


“Je me dis que si les forces progressistes voulaient vraiment gagner, elles choisiraient l’union, confie Alima Boumediene-Thiery. Nous avons proposé à plusieurs reprises aux membres d’Argenteuil tous ensemble ! (LFI, Génération.s, Nouveau parti anticapitaliste et Parti communiste, ndlr) de nous rassembler, mais sur la base d’une liste citoyenne soutenue par des organisations politiques et non l’inverse. On souhaitait en débattre en toute transparence dans le cadre de réunions publiques mais ils ont refusé de jouer la transparence.” Dans un courrier, le collectif Argenteuil en commun a finalement accepté de régler la question sans témoin. “Nous refusons la division, insiste-t-elle. En plus, ce sont tous des copains à moi ! Je leur ai indiqué qu’on est toujours ouverts à toute discussion afin de réunir les forces progressistes.”


L’autre liste classée à gauche est menée par Philippe Doucet (Parti socialiste), ancien porte-parole de Manuel Valls, député (2012-2017) et maire de 2008 à 2014. Ce dernier s’oppose de nouveau à Georges Mothron (Les Républicains), maire actuel élu une première fois en 2001 puis en 2014 face à une gauche divisée. Les deux se connaissent bien puisqu’ils se sont aussi opposés aux législatives de 2012. L’un et l’autre sont officiellement candidats pour un nouveau duel avec en trame de fond, une procédure en justice contre Philippe Doucet pour “prise illégale d’intérêt”.


Les locaux de campagne des deux rivaux sont situés sur le même trottoir et séparés d’une centaine de mètres seulement. Mais ce duel bien rodé est mis à rude épreuve. D’une part, Georges Mothron part avec un handicap car, son ancien maire adjoint à la culture, Franck Debeaud, se lance aussi dans la bataille. D’autre part, l’arrivée de La République en marche (LREM) perturbe le jeu. D’autant qu’Olivia Fillette, candidate désignée par le mouvement présidentiel, fait face à une “marcheuse” dissidente, Dalila Kaabeche. Déçue de ne pas avoir décroché l’investiture, celle-ci brouille un peu plus les cartes en partant sous l’étiquette Alliance centriste. “Après trois auditions devant la commission, j’ai été désignée loyalement, se justifie la candidate officielle. J’ai dit à Dalila Kaabeche qu’elle a toute sa place dans notre équipe. Elle préfère partir de son côté. Dommage car on doit empêcher l’un des deux dinosaures de prendre la mairie car la population n’en peut plus ! Et les listes comme celle d’Alima Boumediene-Thiery sont vraiment trop à gauche.” Réponse de l’intéressée : “LREM et la droite font clairement partie de nos vrais adversaires.”


 


Repenser les berges de Claude Monet


Mais quelle que soit la liste, toutes devront se prononcer sur le projet qui fâche : la reconquête des célèbres berges de la Seine peintes par Claude Monet, objectif affiché depuis 1992 ! Le dernier projet porté par Georges Mothron affiche la volonté de permettre aux piétons de traverser l’axe de deux fois deux voies qui empêche l’accès au fleuve et prévoit la construction du complexe Cap Héloïse avec centre commercial, cinéma et logements. Un programme qui ne fait pas l’unanimité.


“En abattant des arbres centenaires et en bétonnant une zone inondable, cela risque de dénaturer le site, s’indigne Alima Boumediene-Thiery. Nous proposons de créer un parcours autour des impressionnistes et demandons à tous les candidats de débattre de l’avenir des berges. Chaque grand projet de ce type doit faire l’objet d’un référendum local pour que les citoyens s’engagent !” La candidate regrette qu’Argenteuil, commune la plus peuplée du Val-d’Oise et quatrième d’Ile-de-France (environ 110 000 habitants), ne dispose pas de salle de spectacle à la hauteur. Mais sa priorité reste de convaincre les électeurs de se déplacer en mars prochain. “60 % d’entre eux ne sont pas allés voter aux dernières élections ! Notre processus de primaire s’inscrit dans cette volonté de reconquête de la confiance des citoyens.”


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Yves Deloison