Maati Kabbal : « Les jeunes doivent rester au Maroc »

 Maati Kabbal : « Les jeunes doivent rester au Maroc »

crédit photo : Thierry Rambaud


Ce professeur de philosophie à Marrakech a tout abandonné pour venir tenter sa chance en France. Il est aujourd’hui coordinateur scientifique des “Rendez-vous de l’Histoire de l’Institut du monde arabe”. 


Vous avez opté au départ pour le métier de professeur de philosophie. Comment cela vous est-il venu ?


Je me suis passionné pour la littérature et la philosophie au lycée grâce à certains professeurs français qui enseignaient chez nous. J’ai donc opté pour un cursus littéraire à Khouribga où je vivais avec ma tante et mon oncle qui m’avaient adopté. Après mon bac, je suis parti à Rabat pour entreprendre des études supérieures afin de devenir professeur de philosophie. J’ai enseigné la philosophie durant six ans dans un lycée de la périphérie de Marrakech. Puis je suis allé à la faculté où j’ai décidé de faire une thèse, tout en étant assistant de philosophie à la faculté des lettres.


 


Vous avez ensuite quitté le Maroc pour venir en France. Un pari risqué ?


Oui, j’ai quasiment tout laissé tomber : mon poste d’enseignant, ma petite famille. Je me suis installé à Paris dans des conditions précaires. Je faisais des traductions, car je suis bilingue arabe/français, j’écrivais pour la presse arabophone. J’ai travaillé pour Al-Hayat, un grand quotidien arabophone.


 


Peu à peu, vous devenez journaliste à plein temps…


Le tournant a été ma rencontre avec un philosophe français, Jean-Pierre Faye, avec lequel nous avons monté un colloque sur Averroès dans le cadre de l’université européenne de la recherche. J’ai ensuite travaillé pour Libération en tant que critique littéraire, puis j’ai été responsable du service Maghreb/Moyen-Orient de Courrier International pendant six ans.


 


Puis vous atterrissez à l’Institut du monde arabe…


Un jour, j’ai postulé au poste de responsable des “Jeudis de l’Institut du monde arabe (IMA)” (rencontres-débats avec des personnalités spécialistes du monde arabe, ndlr) et je n’ai plus quitté l’Institut culturel parisien. Désormais, je suis coordinateur scientifique des “Rendez-vous de l’Histoire du monde arabe”, et directeur de la chaire de l’IMA (dont la mission est de faire connaître et diffuser les cultures arabo-musulmanes dans ce qu’elles ont de plus lumineux, ndlr). En parallèle, j’écris des livres : des romans en arabe et un récit sous forme de nouvelles en français. Je suis également chroniqueur pour le quotidien marocain Al-Akhbar.


 


Quel lien conservez-vous avec votre pays d’origine ?


Je retourne régulièrement au Maroc pour participer à des évènements, lancer des projets pour aider d’autres amis sur place. Mon lien avec le pays reste fort. Je milite pour une politique culturelle claire, dans le domaine de la musique, de la peinture, du cinéma, afin que tous les talents servent leur pays et qu’ils arrêtent de partir en Europe.


Ce n’est plus comme avant, au temps de la première ou seconde génération, tout est compliqué. Avec le racisme, l’extrémisme, on colle immédiatement une étiquette sur le Marocain, l’arabe, le musulman. C’est stigmatisant. Je pense que les jeunes doivent rester sur place. Leur travail doit s’ancrer dans leur propre sol. C’est le message que j’essaye de transmettre aux personnes que je rencontre au Maroc. Il faut qu’elles soient mieux prises en charge.


MAGAZINE JUILLET-AOUT 2017

Jonathan Ardines