Syrie : Dr Amani Ballour : « Un million de déplacés en 2 mois »

 Syrie : Dr Amani Ballour : « Un million de déplacés en 2 mois »


Alors que les combats font rage dans la région d'Idlib en Syrie, nous avons rencontré le Dr Amani Ballour, pédiatre qui a dirigé un hopital souterrain pendant 5 ans. Son parcours retracé dans le documentaire "The Cave", nominé aux Oscars, a donné plus de visibilité à ce conflit oublié des médias. "La situation est bien pire que ce raconte le film", nous a indiqué le docteur Ballour.



 


Le Courrier de l'Atlas : Quelle est la situation dans la régiond d'Idlib en Syrie ?


Dans la province d'Idlib, les gens meurent. Ils ont besoin de tout. C'est pour cela que je suis ici pour mettre la pression de demander de l'aide à tous, aux politiques aux Nations Unies,etc.. de prendre leurs responsabilités d'aider ces gens. Ce sont des humains ! La situation actuelle est catastrophique. C'est vraiment très mauvais en ce moment. En l'espace de deux mois, près d'un million de personnes ont été déplacés de leurs région à nulle part Les camps de réfugiés étaient déjà bondés et même avec la surpopulation, les gens avaient des tentes. Et ils sont chanceux car ils ont des tentes Mais d'autres n'ont pas d'abris, nulle part où aller, Il y a des enfants. Ils sont en train de fuir les bombardements et dorénavant, ils meurent de froid. C'est honteux pour la communauté internationale de les laisser mourir dans ces conditions.


 


De qui vient l'idée du documentaire "The Cave", nominé aux Oscars ?


Cela vient du réalisateur, Feras Fayyad.  Il avait déjà fait un film et avait son équipe. Il y avait 3 photographes dans la ville. Ils ont demandé. à pouvoir filmer dans l'hôpital pour expliquer la situation. j'ai refusé 3 fois car c'était dangereux de filmer dans l'hôpital. Nous étions déjà la cible de bombardements. J'avais déjà beaucoup de responsabilités. je ne veux pas de ça en plus. Après avoir vu, 4 ans après, et avoir vu que personne ne souciait, de nous. Nous étions désespérés et nous avons dit oui Nous voulions seulement dire aux gens la vérité. Le régime de Bachar Assad mentait. Ils disaient combattre des terroristes. Nous n'étions que des civils. Il y avait 100 000 enfants dans notre ville. Ils bombardaient des hôpitaux, des écoles, et non pas les QG des factions rebelles.Nous voulions dire la vérité. C'est pour cela que j'ai accepté. Certains m'ont dit que les images étaient insoutenables mais ce n'est rien comparé à ce que nous avons vu. Ils ont filmé l'attaque au chlore mais ils n'ont pas vu. la précédente attaque au gaz sarin qui a tué près de 1 000 personnes en une seule nuit ! et la plupart était des enfants. Personne n'a vu ça ! Ces corps d'enfants qui apparaissent dans le film. C'est vraiment. Je n'arrive pas à trouver les mots pour le décrire Ce que nous avons vu est bien pire à ce qu'il y a dans le film.  En tant que docteur, le chlore est plus "facile" que le sarin car le sarin a fait énormément de victimes. Je n'oublierais jamais les enfants touchés par le gaz sarin je les ai vu sans sang et sans blessures Ils sont morts de suffocation. et il y avait trop d'enfants qui mourraient. je me rappelle que dans l'hopital souterrain, il y avait une chambre comme celle-ci.  on ne trouvait pas la place parterre pour mettre les enfants morts. Je me rappelle que l'on mettait les corps les uns sur les autres c'était vraiment….Imaginez vous  que vous soyez parents et que vous deviez déplacer ces cadavres d'enfants pour trouver le votre. Je ne pense pas pouvoir oublier ceci.


Vous vous occupez de votre fondation, Amal (Espoir) qui permet aux jeunes docteurs, notamment féminins, de pouvoir travailler en zone de conflit. Pourriez vous redevenir pédiatre ?


Je ne pourrais plus être pédiatre à nouveau car j'ai en mémoire les enfants que j'ai traités Je suis resté avec eux pendant 6 ans Je les ai vu grandir en face de moi. Malheureusement, j'en ai vu mourrir aussi. Beaucoup ont été amputé de leurs jambes, de leurs mains. C'était dur pour moi de les voir ainsi. quand j'ai essayé de redevenir pédiatre, je n'y suis pas arrivée. J'avais toujours ses souvenirs. C'était difficile, mais puisque j'ai étudié pendant 6 ans la médecine, J'ai envie de continuer à étudier autre chose, pas la pédiatrie, peut-être la radiologie quelque chose de plus simple. je ne veux plus être avec quelqu'un de malade

Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.