La France risque de ne pas pouvoir produire de la Chloroquine

 La France risque de ne pas pouvoir produire de la Chloroquine


La seule usine française de production de sulfate de Chloroquine, FAMAR, basée dans la région lyonnaise, risque de fermer ses portes en juin. Alors que l'on parle d'une possible guérison avec ce médicament, la France se trouverait ainsi dépourvue de sa seule unité de production agréée dans l'Hexagone. Frédéric Gibert, magasinier, élu CGT au CSE de FAMAR Lyon indique n'avoir eu aucune nouvelle de Sanofi ou de l'Etat sur la suite de l'activité.



La société FAMAR est en redressement judiciaire. Qu'est ce que cela implique pour les salariés ?


Dans le cadre du redressement judiciaire, nous avons un planning d'activités jusqu'au mois de juin-juillet 2020. Après cette date, on doit fermer l'entreprise. On devait avoir une audience du tribunal le 17 mars 2020 qui a été reportée du fait du confinement. A ce jour, nous n'avons pas de date d'audience pour pouvoir savoir si l'on a une continuité de notre activité.


Y'a t'il eu des propositions de repreneur de la société, qui n'est pas en cessation de paiement mais en cessation d'activités ?


Aucune proposition de repreneur à l'heure où nous parlons. Il y a eu des marques d'intérêt mais aucune offre engageante permettant de se positionner industriellement.


En ce qui concerne la Chloroquine, vous dépendez de Sanofi pour la mise sur le marché.


Tout à fait ! Sanofi est détenteur du médicament Nivaquine qui est à base de chloroquine sulfate. On réalise ce médicament pour le marché France, uniquement sur notre site. Nous sommes la seule unité de production française pour servir le marché français. 


Si l'entreprise FAMAR disparait, comment pourras t'on se procurer ce médicament ?


Sanofi a une molécule voisine, le sulfate d'hydroxychloroquine qui est fabriquée sur le site de Riells en Espagne. Elle peut ainsi alimenter le marché en France. C'est cela qu'on appelle le Plaquenil. 


Le Plaquenil et le Nivaquine sont-ils le même médicament ?


Ce n'est pas exactement le même médicament. Les molécules sont voisines. La Nivaquine est aussi de la chloroquine. Les effets sur les patients sont a peu près les mêmes. Ce sont des produits avec des effets secondaires bien connus au niveau de la santé depuis 70 ans. Ils ont beaucoup de similitudes.


Quels sont vos attentes en ce moment ?


On attend de Sanofi de se mettre en marche pour pouvoir réaliser la production de Nivaquine si les essais concernant la chloroquine étaient concluants. On espère que Sanofi passe des commandes auprès de FAMAR et on attend de la part de l'Etat de se positionner sur la situation de FAMAR dans le cadre d'un repreneur.


Qu'est ce qui est le plus urgent aujourd'hui ?


Cette course à la santé contre le COVID 19 nécessite que nous prenions un plan d'action même si la chloroquine ne devient pas le "remède miracle" pour l'éradiquer. Il faut se préparer en vue des effets de ne pas avoir le médicament si c'est le bon traitement. Si on ne le fait pas, on perdra du temps encore. On a déjà assez perdu de temps dans le cadre des masques, des gants, des tests. Si aujourd'hui, on ne fait pas le nécessaire, on se retrouvera dans la même situation. On ne pourra pas délivrer le bon médicament en temps et en heure. Que ce soit le bon médicament ou pas, il faut que FAMAR continue d'exister.


Est ce que vous avez eu des propositions de la part de l'Etat (préfecture, ministère de la santé) ?


Non pas encore. On attend une réponse de l'Etat et de Sanofi.


Si les commandes de chloroquine ne sont pas passées en ce moment, vous ne pourrez pas produire de la chloroquine supplémentaire ?


On ne pourra rien produire. Tant que nous n'aurons pas l'aval de notre donneur d'ordre et que nous n'aurons pas une commande de notre fournisseur de matière active, FAMAR Lyon ne pourra pas produire de la chloroquine supplémentaire. L'approvisionnement en matière active, que ce soit pour FAMAR Lyon ou pour d'autres entreprises, ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut que l'on soit fourni pour que nous puissions l'envoyer dans les hôpitaux, auprès des patients ou des personnes qui seront touchées par le COVID 19


Les principes actifs de la chloroquine sont-ils produits en France ?


Non, le principe actif est produit en Inde. Il peut y avoir une possibilité de manque d'approvisionnement, surtout que ce pays commence à être touché par le COVID 19. Je n'ai pas connaissance aujourd'hui de fabricants autre que l'Inde. Il doit en exister certainement mais je ne les connais pas. Sanofi utilise, pour sa production interne de principe actif, de l'hydroxychrolohydrine sur un de ses sites en Hongrie.


Voir aussi :


Chloroquine : "Plus on attend, plus on risque d'avoir des morts"


Le Maroc fait son stock de Chloroquine


Voir aussi le communiqué de presse de l'intersyndicale sur le sujet : 


Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.