De la mort

 De la mort

Vincent Lambert (G) et Louisa Vesterager


Quel est le lien entre Vincent Lambert et Helle Petersen ? Apparemment aucun ; Lambert, c’est aujourd’hui le mort le plus célèbre de France parce que justement, il a quitté ce bas monde après qu’on a arrêté les soins qui étaient prodigués à ce tétraplégique dans le coma, et ce, envers et contre la volonté de ses parents. Quant à la mère de la jeune Danoise qui avait été sauvagement égorgée par des adeptes de Daech dans les montagnes du Toubkal , elle est devenue célèbre depuis qu’elle a réclamé la peine de mort pour les assassins de sa fille sachant que le gibet n’est plus de mise au Danemark.


« Le plus juste serait de donner à ces bêtes la peine de mort qu'ils méritent, je vous le demande », a déclaré la maman aux magistrats interloqués. Un fil aussi ténu soit-il relie pourtant ces deux affaires, il s’agit de la question de la mort.


Dans le premier cas, c’est un Etat qui décide la mise à mort d’un citoyen, sous prétexte qu’il n’est pas conscient alors que c’est bien le même Etat qui interdit la mise à mort d’un meurtrier quelle que soit la cruauté de ses crimes; et dans l’autre, c’est une citoyenne d’un pays qui a aboli la peine de mort depuis belle lurette, qui demande à des juges d’un autre pays ( le Maroc en l’occurrence) d’appliquer la peine de mort aux assassins de sa fille ?!


Dans un cas, l’Etat et les médecins qui soutiennent le droit de tuer ( on appelle ça l’euthanasie) avaient décidé la mise à mort d’un individu qui n’avait rien demandé et qui de surcroit n’était même pas dans un état de souffrance indescriptible. Cette mort qui nous apparaît, à nous autres, comme un drame absolu était « nécessaire » pour activer une législation qui peine à trancher sur la question de l’euthanasie.


Le plus cocasse dans cette affaire, c’est qu’on évoque souvent le concept de dignité, sauf que mourir dignement, ça veut dire avant tout qu’il y a le respect de la volonté de la personne.


Pourquoi alors ouvrir la porte au « suicide programmé « et consenti » à des personnes en souffrance physique, et le refuser à des écorchés vifs dont les souffrances psychologiques sont autrement plus insupportables ? « Docteur, j’ai perdu mon boulot et mon épouse m’a quitté, je souffre trop, je prends rendez-vous pour être euthanasié , ça coûtera combien ?! »


En réalité comme le pensait si bien, La Rochefoucauld  « ni le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement », et les contradictions relevées dans ces deux cas relèvent bien de la difficulté qu’a aujourd’hui l’occident à accepter la mort, tout en respectant la mort. Dans le cas du Français Lambert, le gouvernement aurait dû rester neutre, il a préféré choisir un camp contre l’autre et montrer sa partialité comme dans la polémique qui a précédé le mariage pour tous, où les pouvoirs publics se sont rangés dans le camp d’une infime minorité contre l’avis de la majorité.


Revendiquer le droit de ne pas « se faire suicider » revient tout juste à critiquer une politique issue de la plus avilissante entreprise de déshumanisation conçue par des hommes. L’hypocrisie en plus, puisque les motivations avancées sont toujours nobles.


Victor Hugo aurait-il encore une chance d’être écouté, lui qui disait que « le prodige de ce grand départ céleste qu’on appelle la mort, c’est que ceux qui partent ne s’éloignent point. Ils sont dans un monde de clarté, mais ils assistent, témoins attendris, à notre monde de ténèbres ».


 

Abdellatif El Azizi