Le consulat français à Oran refuse un visa à un enfant adopté

 Le consulat français à Oran refuse un visa à un enfant adopté

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Depuis très longtemps, Nadia Benaissa, une française de 46 ans, voulait adopter un enfant. Bi-nationale, elle est française et algérienne, elle est partie en Algerie pour concrétiser son rêve. Nadia y a rencontré Amir, un petit garçon d’un an. En obtenant devant le tribunal de Tlemcen en février dernier la « Kafala », mesure de recueil légal d'un enfant, la quarantenaire croyait avoir fait le plus dur. « J’ai fait toutes les démarches comme on me l’avait demandé. Je ne m’attendais pas à ce que le consulat français à Oran refuse la demande de visa pour faire venir Amir en France», se désole-t-elle. Responsable logistique à la Fnac, Nadia Benaissa est retournée à Paris sans son fils Amir, toujours bloqué en Algérie. 


Racontez nous votre démarche d’adoption. 


J’ai 46 ans, je suis divorcée. J’ai toujours voulu avoir un enfant mais ce n’était pas possible quand j’étais mariée. C’est un projet mûrement réfléchi. Je savais que les démarches en France étaient trop longues. Des gens autour de moi m’ont parlé d’une possibilité en Algérie, ils m’ont parlé de la « kafala ». Ce n’est pas de l’adoption pure comme on peut le connaitre en France.  C’est un concept juridique de droit coranique qui désigne une mesure de recueil légal d'un enfant. Le tuteur s’engage à prendre en charge l'entretien, l'éducation et la protection d'un enfant mineur. Elle est réservée aux citoyens algériens. Comme je suis bi-nationale, je suis allé au consulat algérien pour demander la liste des documents à fournir. J'ai obtenu également un avis favorable de l'enquête sociale menée par le Département de Paris, nécessaire pour toutes les personnes qui souhaitent adopter. J’ai alors envoyé mon dossier complet au ministère des affaires étrangères à Alger. 


 


Vous êtes surprise de la décision du consulat français…


Effectivement. A partir du moment où j’ai fourni tous les documents, je ne comprends pas ce refus. J’ai déposé la demande de visa pour Amir le 17 avril et j’ai reçu la réponse le 30 avril. 


 


Une réponse que vous jugez très rapide….


Oui. J’ai été reçu par des employés algériens, je m’attendais à être reçu par des employés français. J’ai compris que le consulat français sous traitait à une société privée. Ce matin-là, nous étions plus d’une centaine à déposer des demandes de visa. Je suis revenu l’après-midi et il y avait toujours autant de monde. Comment peut-on traiter autant de demandes en si peu de temps ? 


 


Que s’est-il passé ensuite ? 


Alors que j’attendais la réponse du ministère des affaires étrangères algériennne pour venir chercher un enfant à la DASS (NDRL : avis favorable obtenu en juin), des amis m’ont mis en contact avec les parents d’Amir courant janvier. Après les avoir rencontrés plusieurs fois en Algérie, ils ont souhaité me confier leur enfant. Il s’agit d’une famille en difficulté. Les parents d’Amir ne se sentaient pas capable d’élever leur enfant. 


 


Leur avez-vous versé de l’argent  ? 


Non ! Nous sommes allés devant le tribunal de Tlemcen en vue d'une adoption par Kafala. Le 19 février, j’ai obtenu un jugement favorable. Puis, nous sommes allés devant le notaire pour faire un courrier de désistement qui spécifiait que les parents renonçaient à leur autorité parentale. Après la décision du tribunal de Tlemcen, j’ai passé deux semaines formidables avec Amir. Le Président des Affaires familiales m’a autorisé à vivre avec Amir en dehors du territoire national jusqu’à sa majorité. Je suis rentrée en France seule pour préparer sa venue. J’ai négocié avec ma direction un congé de 10 semaines. Celle-ci a accepté. Elle me soutient depuis le début, depuis que deux ans que je prépare ce projet. 


 


Il ne vous restait donc qu’à obtenir le visa long séjour pour Amir ? 


Oui. Fin mars, je suis retournée en Algérie afin d’établir un visa long séjour et pouvoir emmener mon fils avec moi à Paris. A mon grand désespoir, celui-ci a été refusé. J’ai reçu la même réponse que reçoivent les demandeurs de visa déboutés. La lettre disait que « les informations communiquées pour justifier les conditions du séjour sont incomplètes et ou ne sont pas fiables ». J’ai cherché à en savoir plus. Début mai, j’ai écrit au consul d’Oran pour avoir le motif exact du refus mais je n’ai toujours pas reçu de réponse. 


 


Vous êtes revenue en France….


Oui. Après avoir passé deux mois en Algérie avec Amir où j’ai noué un lien très fort avec lui, j’ai dû rentrer en France, le coeur serré. Je suis une maman comblée, Amir m’appelle maman. J’ai l’impression d’avoir abandonné mon fils  Je n’envisage plus ma vie sans Amir.


 


Que comptez-vous faire ? 


J’ai engagé une avocate. Avec elle, fin juin, nous avons fait un recours à la commission des refus des visas.  La commission a deux mois pour statuer.  Si elle ne répond pas, c’est que c’est négatif. Nous sommes déjà fin août…J’ai l’impression d’avoir tout essayé. Je veux juste pouvoir donner le meilleur à Amir. Il s’agit ici de fonder une famille avec lui. Je suis responsable logistique à la FNAC, je gagne ma vie honnêtement. J’ai un logement à Paris. J’ai beaucoup d’amour et d’attention à donner à Amir. Il ne manquera de rien. Ma famille et mes amis l’attendent avec impatience. J’ai même reçu une réponse favorable pour une place en crèche à la rentrée. Je demande juste que les autorités françaises reviennent sur leur décision et lui délivrent un visa long séjour. 

Nadir Dendoune