Maubeuge : Harkati espère rencontrer Macron pour retrouver sa nationalité perdue il y a 40 ans

 Maubeuge : Harkati espère rencontrer Macron pour retrouver sa nationalité perdue il y a 40 ans

Harkati Yahiaoui


Depuis 40 ans, Harkati Yahiaoui, né en Algérie française en 1958 se bat pour retrouver sa nationalité française qu'il a perdue à la fin des années 70 en signant, sans savoir ce qu'il faisait à la gendarmerie, « une libération d’allégeance à l'égard de la France ». Malgré ses nombreuses démarches administratives, cet habitant de Maubeuge n'a toujours pas obtenu gain de cause. Une situation qui pourrait bientôt changer avec le déplacement annoncé d'Emmanuel Macron dans sa région ce mercredi 7 novembre. « Il est le seul président à m'avoir répondu », affirme Harkati qui espère pouvoir rencontrer le chef de l'Etat. 


LCDL : Racontez-nous ce qu'il s'est passé. 


Harkati Yahiaoui : Je ne suis pas là pour faire pleurer dans les chaumières, mais être un fils de harki en France, ce n'est pas facile. La première fois que je suis allé à l’école, j’avais dix ans. Je ne parlais pas le français. Les professeurs me mettaient un bonnet d’âne et les autres enfants se moquaient de moi. Pour les petits Français, j’étais le sale bougnoul, pour les arabes, j’étais un sale traître. C’était la loi de la jungle et je n’avais pas d'autre choix que de me battre pour me défendre. Des bagarres qui m'ont valu plusieurs séjours à la gendarmerie. J'avais une très mauvaise réputation. En 1978, un gendarme m’a accusé de m'être battu une nouvelle fois. Pour que l’affaire soit classée, il m’a fait signer un papier. J’ai accepté. Je ne savais pas que je venais alors de renoncer à ma nationalité française. Je suis alors devenu apatride. 


Quand vous êtes-vous aperçu que vous n'étiez plus français ?


A peu près un an après avoir perdu ma nationalité française, quand j’ai voulu faire mon recensement auprès de la mairie afin de faire mon service militaire. Sur le coup, j'ai cru à une blague ! J’avais en ma possession une carte d’identité française ! Cerise sur le gâteau, j'ai aussi appris que je faisais l'objet d’une procédure d’expulsion pour menace à l’ordre public (NDLR : la procédure sera annulée par la suite par le ministère de l'Intérieur). Pour moi, c'était la double peine. La France, mon pays, celui pour lequel mon père s'était battu, comptait me renvoyer « chez moi » en Algérie, un pays que je ne connaissais pas, dont je ne parlais pas la langue et où je n'avais jamais vécu. Le comble…


Qu'avez-vous fait alors ?


Je me suis enfui en Belgique ! Pendant ce temps-là, ma mère a fait toutes les démarches auprès du consulat algérien pour que j'obtienne des papiers. C'est à ce moment que j'ai pu alors avoir une carte de séjour pour revenir vivre en France.


Parlez-nous de la relation particulière de votre famille à L'Algérie.


Mon papa Mohamed, originaire de Biskra et qui n'est plus de ce monde aujourd'hui, a choisi pendant la guerre d'Algérie de servir dans les rangs de l'armée française. En octobre 1965, trois ans après l'indépendance, nous avons quitté l’Algérie pour la France où mon père était déjà installé. L’armée française nous a installés dans un camp dans le Cantal dans des conditions indignes. Puis, nous avons déménagé à Avesnes-sur-Helpe (NDLR : à 17km de Maubeuge) parce que mon père avait trouvé un boulot là-bas. On n’a jamais été soutenu par l’Etat français alors que mon père avait choisi la France. C’est ça qui me fait le plus mal aujourd’hui. 


Quelles sont les conséquences de votre perte de la nationalité française ? 


Je n'ai jamais pu travailler normalement en France. Il y a des tas de boulots qui sont réservés uniquement aux Français. Je n'avais même pas le droit de postuler aux emplois dans la fonction publique réservés aux enfants de harkis. Et puis, perdre sa nationalité française a été une blessure personnelle…


Qu'espérez-vous de cette rencontre avec Emmanuel Macron ? 


Il a été le seul président à m'avoir répondu. Il m'a écrit pour me demander que je lui envoie les derniers papiers manquants pour obtenir ma réintégration dans la nationalité française. J'en profiterai pour lui serrer la main et lui dire merci. J'ai 60 ans et je ne veux pas mourir avant de pouvoir redevenir Français.


 

Nadir Dendoune