Tissus de l’immigration : « créer un bruit visible »

 Tissus de l’immigration : « créer un bruit visible »

Bouts de tissus accrochés sur un pont en Lozère


« Accrocher des petits morceaux de tissus, pour sensibiliser, pour dire notre solidarité, notre désir d'accueil ». Une initiative portée par un collectif d'habitants de la Lozère pour montrer leur désapprobation de la politique migratoire du gouvernement.


« Bruit visible »


« Nous habitons en Lozère, département très peu peuplé, très « montagne », avec des gens qui font des demandes d'asile qui sont refusées, et ça se resserre depuis quelques mois » confie Sarah, membre du collectif d'habitants de la Lozère. L'idée d'accrocher des bouts de tissus répondait à cette envie de « créer un bruit visible », selon les mots de cette dernière. C'est aussi une autre manière de faire entendre sa voix : « Il y a le respect de la pudeur de chacun. On peut avoir des convictions et ne pas avoir envie de sortir dans la rue. Une manière de s'exprimer autrement et peut-être après d'arriver à franchir le pas ».


Acte politique


Ce n'est qu'à la mi-janvier dernier que cette idée est née, et déjà, elle suscite des réactions : « Dans une première action, nous étions une petite dizaine. Nous sommes allés à Mende, la préfecture. A cinq heures du matin, nous nous sommes dit que nous allions accrocher des bouts de tissus sur un pont. Cinq minutes après la police était là » témoigne Sarah. Ce qui était pensé comme une « action douce » ne laisse pas indifférent : « Quand nous sommes allés à la gendarmerie la première fois


on nous a dit « c'est un acte politique », on leur a dit « si vous voulez… » ». Le collectif avoue se renseigner au niveau juridique puisque, même s'il n'y a pas de dégradation, les mairies font tout de même enlever les bouts de tissus.


« Lozère, nouvelle vie »


Pour Sarah, il existe une réelle contradiction entre la campagne « Lozère, nouvelle vie », incitant les gens à s'installer dans ce département, et la façon dont sont traités les migrants : « Nous sommes dans un département qui dépense beaucoup de sous pour faire venir des gens sur le territoire parce qu'il y a un dépeuplement. Mais il y a une vraie question, on choisit les gens ».


Au-delà de la Lozère


En moins d'un mois, le fait d'accrocher des tissus pour marquer son mécontentement face à la politique migratoire menée par le gouvernement français s'est bien développé : « Le mouvement a dépassé les frontières de la Lozère. Dans le Gard, la Drôme ça commence doucement. Nous  recueillons des photos via notre adresse mail. Nous essayons de mettre en place des réseaux » explique la membre du collectif. Le groupe d'habitants n'est d'ailleurs affilié à aucune association ou parti politique. Un mouvement qui vient du terrain même si RESF relaie bien l'initiative.


Parler


Le collectif se félicite que leur initiative crée la discussion dans des territoires où ces sujets ne sont pas forcément beaucoup abordés : « L'idée c'est de ne rien dire au départ et que les gens s'étonnent de voir des tissus accrochés. En sortie d'école je me suis retrouvée à parler de politique migratoire dans un bled où ce n'est jamais évoqué. J'en ai parlé avec des gens avec qui j'en aurais jamais parlé autrement. Au moins on en parle ! ».


Charly Célinain

Charly Célinain