Hafedh Caïd Essebsi et sa famille se sont-ils réfugiés à Paris ?

 Hafedh Caïd Essebsi et sa famille se sont-ils réfugiés à Paris ?

Hafedh Caïd Essebsi


A J-1 avant le silence électoral en Tunisie, une partie de l’opinion publique est à l’affût de la moindre information en provenance de la France à propos du sort de la famille Caïd Essebsi. Une situation confuse, en lien direct avec les divers scénarios potentiels du dénouement de la présidentielle.


A l’origine de cette information, nos confrères de Jeune Afrique dans leur dernier numéro du 8 au 14 septembre 2019, repris dans un deuxième temps il y a 48 heures par le site web de l’hebdomadaire, qui n’emploie pas le conditionnel en affirmant que « selon ses proches, Hafedh Caïd Essebsi (HCE), fils du défunt président Béji Caïd Essebsi et représentant légal du parti Nidaa Tounes, a trouvé refuge en France. » Plus loin, la même source affirme que l’homme aurait été reçu par un conseiller de Macron en personne.


Hier 12 novembre, Maghreb confidentiel affirmait à son tour que Rym Reguig, son épouse,  « suit Hafedh Caïd Essebsi en France ».


Pourtant, le 10 septembre, interrogé par téléphone par Jawhara FM, Hafedh Caïd Essebsi dément toute démarche de refuge politique auprès de la France : « Je n’ai pas demandé d’asile politique ni à la France ni tout autre pays ! Mon pays m’appartient, je n’y suis pas locataire, la Tunisie j’y ai droit, et nul ne peut m’enlever ce droit, pas même ces obsédés par le pouvoir… ».


Cependant, il s’agit là d’un démenti sous forme de réaction d’orgueil, qui ne clarifie en rien sa situation est celle de sa famille, puisque l’intéressé n’y évoque que la stricte question du refuge politique, sans s’attarder sur le fond de son intention ou non de demeurer en France.


 


Une « humiliante fouille au corps »


Seule certitude à ce jour, le 23 août dernier, Hafedh Caïd Essebsi avait rendu publiques les péripéties de son retour mouvementé à l’Aéroport Tunis – Carthage, en provenance du Qatar, se plaignant pudiquement d’avoir subi « des mesures exceptionnelles et une fouille inappropriée, indigne des droits de l’homme ». Plus tard, on apprendra qu’il fut l’objet d’une fouille au corps qui a nécessité de le laisser dans son plus simple appareil.


Le même jour, les d’habitude si discrets services de la Douane tunisienne ont répondu via le même canal des réseaux sociaux, en expliquant que la procédure en question faisait suite à un renseignement faisant état de l’intention de l’intéressé d’introduire illégalement de grandes sommes d’argent en devises dans le pays.


En clair, à quelques jours de l’élection présidentielle, la question de l’argent politique était dans tous les esprits.


Depuis le décès de son père, « HCE » martèle que Béji Caïd Essebsi « a été trahi vivant puis mort », allusion au chef du gouvernement Yousef Chahed, candidat à la succession au Palais de Carthage, qu’il accuse d’« instrumentalisation de l’institution judiciaire ». Il craint ainsi l’ouverture d’une enquête pour blanchiment d’argent visant à l’exclure de la vie politique.


Doublement échaudé par son accueil musclé à l’aéroport puis par le sort réservé au candidat Nabil Karoui par la justice, la perspective de son séjour prolongé en France est plus que crédible, d’autant que Nidaa Tounes soutient officiellement l’un des grands adversaires de Youssef Chahed dans la course à Carthage : le ministre de la Défense Abdelkrim Zbidi.   


Autre élément allant dans le sens d’un éloignement s’inscrivant dans la durée, une tribune vidéo adressée par la députée Bochra Bel Haj Hamida adressée au fils Essebsi, où elle l’incite à prendre congé de la vie publique, et où elle révèle les rapports tendus qu’il entretenait avec l’ancien chef du gouvernement Habib Essid qu’il avait pu évincer.


En n’assistant pas à la commémoration du quarantième jour du décès de son père organisée jeudi dernier à la Cité de la culture de Tunis, Hafedh Caïd Essebsi confirme de facto au minimum son exil forcé. En attendant les résultats des deux tours de la présidentielle, il sait sans doute qu’il peut compter sur la bienveillance des Macron, la famille Essebsi ayant affiché une grande complicité à Tunis avec le président français lors des funérailles de Béji Caïd Essebsi.


Dans son rapport publié hier 12 septembre, l’ONG Crisis Group estime que « la Tunisie se rend aux urnes dans un contexte délétère », et que « les risques de déraillement du processus électoral et de violences sont réels ».

Seif Soudani