Prison ferme pour le journaliste Samir El Wafi, y a-t-il atteinte à la liberté de la presse ?

 Prison ferme pour le journaliste Samir El Wafi, y a-t-il atteinte à la liberté de la presse ?

Samir El Wafi


Le verdict dans le procès du journaliste et présentateur vedette Samir El Wafi a été rendu dans la soirée du mardi 2 juin 2015. Il écope d'une peine de 8 mois de prison ferme. Complexe, l’affaire liée à l'homme d'affaires en fuite Hamadi Touil soulève le problème de la déontologie journalistique, mais aussi d’une justice qualifiée d’extrêmement répressive par la défense, contactée par le Courrier de l’Atlas.




 


Abdelaziz Essid, l’un des ténors du barreau et avocat de Samir El Wafi qui avait plaidé la relaxe, annonce aujourd’hui l’intention de l’animateur TV de déposer un recours devant la chambre criminelle auprès de a cour d’appel de Tunis, celle-là même qui a prononcé le verdict hier. Il espère que les juges rouvriront le dossier pour vice de procédure.


Le parquet a en effet accusé Samir El Wafi d’escroquerie et trafic d’influence, mais la cour d’appel avait finalement considéré que les faits relèvent du délit pénal. Or, si l’affaire relève du civil, il peut y avoir prescription, les faits datant de plus de trois ans.


Le ministère public avait engagé les poursuites en se basant sur des écoutes téléphoniques.


 


Le procès de la presse sensationnaliste


Samir El Wafi a été condamné pour avoir promis à un homme recherché par les autorités depuis la révolution d'intercéder en sa faveur, en échange d'un entretien télévisé exclusif, à la recherche du scoop. Le journaliste a reconnu les faits à l'ouverture de son procès, tout en assurant qu'il s'agissait d'une « manœuvre dans le but d'obtenir l'interview ».


Le présentateur star de l’émission « Pour ceux qui osent seulement » sur Al Hiwar Ettounsi, inspirée d’un concept de Thierry Ardisson, est précédé par une réputation sulfureuse, ce qui n’empêche pas la plupart de ses invités politiques et du show-business de se prêter au jeu.


Proche de l'un des beaux-frères de l'ancien dictateur Ben Ali, Hamadi Touil aurait par ailleurs promis via son épouse une somme d'argent, lors d’une conversation téléphonique enregistrée par cette dernière à l’insu d’El Wafi.


Avant de comparaître, le journaliste a tenté de justifier sa démarche : « M. Touil dispose d'énormément d'informations. C'est une boîte noire de l'ère Ben Ali. Je suis journaliste. J’ai appréhendé la chose sous l’angle du scoop. Par conséquent je lui ai fait croire que je pouvais l'aider, même si je reconnais lui avoir menti ».


Jusqu’où peut aller la presse d’investigation ? C’est la question implicitement posée par cette condamnation qui fera jurisprudence. Si la défense avance que l’intéressé « ne faisait que son travail », les avis sont partagés au sein de la profession : certains confrères sont solidaires du « style particulier d’El Wafi », là où d’autres reconnaissent qu’une ligne rouge a bien été franchie.


 


Seif Soudani




 

Seif Soudani