Quel agenda derrière la fusion Tahya Tounes – Al Moubadara ?

 Quel agenda derrière la fusion Tahya Tounes – Al Moubadara ?

Kamel Morjane accueilli par Selim Azzabi


Les partis Al Moubadara et Tahya Tounès ont annoncé mercredi soir 22 mai leur fusion ainsi que leur « engagement de réunir toutes les conditions pour faire réussir ce processus ». Derrière les affinités et les déclarations d’intention, certaines ambitions politiques personnelles se dessinent déjà, révélant des dessous très politiciens. Décryptage.


Relayée notamment par la jeune députée Sabrine Ghoubantini, une mini campagne de teasing sur les réseaux sociaux a procédé via le jeu de mots « noubader li tahya Tounes » (« Nous entreprenons pour que vive la Tunisie »), censé évoquer le nom des deux partis nouvellement alliés.


Quelques heures plus tard, les dirigeants des partis Tahya Tounes et Al Moubadara se seraient mis d’accord sur « les dispositions règlementaires et juridiques de la fusion entre les deux partis », a annoncé un communiqué conjoint, publié dans la nuit du mercredi au jeudi 23 mai.


Ainsi les délégations représentant les deux partis ont convenu de travailler désormais ensemble pour « trouver des solutions efficientes aux difficultés et défis multiples que connait la Tunisie en cette étape transitoire », peut-on lire dans le communiqué, signé par le secrétaire général de Tahya Tounès Selim Azzabi et le président d’Al Moubadara Kamel Morjane.



 


Morjane à la conquête de la présidence de l’Assemblée ?


D’après Fayçal Hafiane, l’un des cadres de Tahya Tounes, les concertations entre les deux partis ont démarré depuis quelque temps pour « unifier les forces progressistes à référentiel commun », ce qui indique que l’opération de fusion est en réalité sur les rails depuis plusieurs mois.


Combien de temps exactement ? Tout porte à croire que la manœuvre date au moins de la fin de l’année dernière, lorsqu’en novembre 2018, lors du remaniement gouvernemental voulu par Youssef Chahed, le septuagénaire Kamel Morjane fut nommé ministre de la Fonction publique, de la modernisation de l'administration de la politique publique. Un méga département, assorti d’un portefeuille conséquent, signe de l’estime que voue Chahed à Morjane, mais aussi sans doute de l’importance stratégique de ce dernier dans les plans électoraux de l’actuel chef du gouvernement.


Selon une source proche du processus de fusion, Kamel Morjane, originaire de Hammam Sousse et affichant initialement des ambitions présidentielles renoncerait implicitement ainsi à briguer le Palais de Carthage, et envisagerait de se présenter sous l’étiquette Tahya Tounes aux législatives à Sousse.


Une fois élu député grâce à cette puissante machine électorale, l’homme qui jouit d’une certaine respectabilité inhérente aux « sages » de la classe politique, briguerait la présidence de l’Assemblée des représentants du peuple, soutenu en cela par Ennahdha, autre allié de Tahya Tounes, qui l’aurait d’ores et déjà assuré de ce soutien. En somme, un savant et concerté partages des rôles.


A 71 ans, cet énarque vieux briscard discret de la politique et de la diplomatie tuniso-onusienne détiendrait sa consécration, lui qui a réussi ce que peu d’anciens ministres de Ben Ali et ex membres du comité central du RCD ont pu réaliser : faire oublier la case ancien régime, en affichant une certaine intégrité intellectuelle qui lui vaut une stature de présidentiable.     


En contrepartie, la jeune et ambitieuse formation qu’est Tahya Tounes jouirait de l’expérience d’Al Moubadara notamment au Sahel et en région, qui bien qu’étant lui-même un parti né après la révolution, consiste en une formation issue, dans sa structuration et ses réseaux sur le terrain des anciens relais du RCD dissout, soit une mécanique bien huilée.


D’autres détails sur l’organisation au niveau de la direction et du programme commun entre Tahya Tounes et al Moubadara devraient être annoncés lors d’une conférence de presse prévue demain soir vendredi 24 mai, en attendant les concertations en cours apprend-on avec d’autres partis, dont le mouvement Machrou Tounes et le parti Al-Badil, deux formations proches dans leur ADN de centre-droit de la nouvelle entité en pleine genèse qu’est Tahya Tounes.

Seif Soudani