Le 30 juillet 2025, après plus de vingt ans de relations sans incident connu, le Crédit Coopératif a fermé le compte de l’Union juive française pour la paix (UJFP), privant l’association de son principal outil pour mener ses actions humanitaires, notamment à Gaza. Une décision qui a surpris, tant le Crédit Coopératif est reconnu pour son rôle de banque coopérative engagée, soutenant une économie réelle à forte valeur sociale et environnementale. L’UJFP dénonce une décision opaque, qu’elle attribue à des pressions politiques. La banque, elle, invoque la « conformité » et le secret bancaire. Son directeur général, Pascal Pouyet a accepté de répondre à nos questions. Entre réponses calibrées et silences assumés, l’échange en dit autant par ce qui est exprimé… que par ce qui reste tu.
LCDA : Après plus de vingt ans de collaboration sans incident connu, vous avez fermé le compte de l’UJFP. Pourquoi maintenant ?
Pascal Pouyet : Nous avons respecté nos obligations réglementaires. Ce n’est pas un désaccord politique, mais une question de conformité à la loi.
LCDA : C’est une réponse très générale. Quelle obligation précise vous impose de rompre une relation bancaire après deux décennies ?
Pascal Pouyet : La banque est un métier très régulé. Je dois respecter le « code de la route » bancaire et je suis tenu par un secret très strict.
LCDA : Ne pas fournir d’explications publiques, c’est demander au public de vous croire sur parole ?
Pascal Pouyet : Je comprends que ce soit frustrant, mais le secret bancaire protège les clients.
LCDA : Vous dites leur avoir laissé du temps et prolongé les délais quatre fois…
Pascal Pouyet : Compte tenu de notre longue collaboration, nous avons accordé à l’UJFP neuf mois pour trouver une solution. Nous sommes revenus vers eux à quatre reprises pour prolonger ce délai. Cela montre que nous ne pouvions plus les accompagner, oui. Mais je ne peux pas dire pourquoi.
LCDA : Ou bien la gravité de l’accusation a-t-elle fait fuir votre banque ?
Pascal Pouyet : Je répète : personne au Crédit Coopératif n’a accusé l’UJFP de quoi que ce soit, notamment pas de soutien au terrorisme.
LCDA : Pourtant, l’UJFP laisse entendre que vous auriez cédé à des pressions. Pouvez-vous garantir, ici et maintenant, qu’aucune puissance étrangère, aucun ministre, aucun organisme ne vous a influencé ?
Pascal Pouyet : Absolument. Aucune pression, d’aucune sorte.
LCDA : Vous travaillez encore avec d’autres ONG qui agissent à Gaza. Donc Gaza n’est pas le problème ?
Pascal Pouyet : Nous développons des programmes partout où c’est possible, quel que soit le pays ou la zone d’intervention. Il n’y a jamais eu de problème : on ne reste pas vingt ans dans une banque si ça se passe mal. Nous étions conscients de l’engagement de l’UJFP et ce n’est pas notre rôle d’intervenir dans leur gestion pour leur dire comment agir. Je le répète : ce n’est pas un problème politique.
LCDA : Alors quelle est la différence ?
Pascal Pouyet : Chaque relation est unique…
LCDA : Ce que vous dites revient à admettre que la différence tient à l’UJFP elle-même, pas à son champ d’action. C’est bien cela ?
Pascal Pouyet : Je ne peux pas en dire plus.
LCDA : Vous n’avez pas peur que cette décision nuise à la réputation du Crédit Coopératif ?
Pascal Pouyet : Bien sûr que si, d’autant plus parce que je ne peux pas expliquer pourquoi.
LCDA : En refusant d’expliquer, vous laissez planer le soupçon que l’UJFP serait dangereuse…
Pascal Pouyet : C’est pour protéger les clients que nous gardons le secret, même dans ces situations.
LCDA : Mais ce silence peut détruire la réputation d’une association entière. Vous assumez cette conséquence ?
Pascal Pouyet : Je respecte la loi.