Merieme Chadid toujours un peu plus près des étoiles

 Merieme Chadid toujours un peu plus près des étoiles

Merieme Chadid, pionnière de l’astronomie polaire, lors de ses expéditions scientifiques sur l’un des plus hauts plateaux de l’Antarctique, installant des télescopes pour repousser les limites de l’observation astronomique (crédit photo : Merieme Chadid)

Passion, persévérance et audace. Voici la devise de Merieme Chadid, astronome, astrophysicienne et exploratrice née à Casablanca et aujourd’hui en poste à Nice. Du désert d’Atacama au Chili jusqu’au cœur glacé de l’Antarctique, aucune contrée n’est trop hostile ou reculée pour cette pionnière prête à tout pour percer les mystères de l’univers.

Aussi loin qu’elle s’en souvienne, Merieme Chadid a vécu les yeux levés vers le ciel. Enfant, à Casablanca, elle proclamait à qui voulait l’entendre : « quand je serai grande, je serai astronome ». Sixième d’une famille modeste de sept enfants, son rêve semblait un peu fou à son entourage qui l’exhortait à garder les pieds sur terre. L’un de ses grands frères, Mustapha, prenant la mesure de sa détermination, lui recommande de bosser les matières scientifiques et lui offre pour ses dix ans un livre de l’astrophysicien Jean-Claude Pecker. « Évidemment, je n’ai rien compris mais j’étais aux anges », se remémore celle qui a poursuivi l’intégralité de ses études dans le système public marocain. Une fois sa maîtrise en mathématiques et physique en poche, elle s’envole pour Nice où elle s’inscrit en DEA ( Diplôme d’Études Approfondies) en imagerie en sciences de l’univers.

Merieme Chadid au plus près des étoiles
Copyright : Merieme Chadid

Elle a 23 ans, pas de bourse mais la volonté farouche de convertir les obstacles en tremplins. « J’avais des lacunes en astrophysique, mes connaissances étaient celle d’une amatrice, par rapport aux autres étudiants mais je me suis accrochée ». Si bien qu’elle poursuit jusqu’au Doctorat en astronomie et études spatiales et consacre sa thèse aux « étoiles pulsantes », comprendre scintillantes. Mesurer leur éclat permet de déterminer les distances dans l’univers, son évolution, son âge et détecter les chocs hypersoniques. Aujourd’hui professeure à la faculté niçoise où elle a étudié, elle est habilité à diriger les recherches mais elle ne se contente pas de transmettre son savoir.

Toute sa vie est dédiée à sa passion. Son mari exerce le même métier qu’elle. Dans leur jardin, sur les hauteurs de Nice, ils ont planté un télescope. Et leurs deux enfants portent des prénoms évocateurs, Leyla (« la nuit », en arabe) et Tycho (en hommage à l’astronome danois Tycho Brahe). Rien ne l’enthousiasme plus que construire et installer des télescopes lors d’expéditions au bout du monde, loin de de toute pollution lumineuse et atmosphérique, souvent à haute altitude. Entre 1998 et 2001, elle a ainsi passé quatre ans dans le désert d’Atacama au Chili pour participer à l’installation des Very Large Telescopes (VLT), composés de quatre télescopes de 8 mètres.

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Cap sur l’Antarctique

Depuis 2005, elle met régulièrement le cap sur l’Antarctique où elle fait figure de pionnière dans l’installation de télescopes. Merieme Chadid n’est pas peu fière d’être la première personne originaire du Maroc à avoir atteint le cœur de l’Antarctique et la première Française à avoir géré une expédition scientifique dans cette région. « Les missions durent de trois à six mois et se déroulent dans des conditions extrêmes, avec des températures atteignant -83°C et une altitude de 4000 mètres sur le plus haut plateau de l’Antarctique », détaille-t-elle. Ces conditions extrêmes font de ce territoire un lieu d’observation unique où l’on aperçoit le « ciel coronal ». L’avantage, poursuit-elle, c’est une « nuit continue de six mois », offrant une précision exceptionnelle comparable aux satellites mais sans le coût astronomique que ces instruments requièrent.

Parallèlement, Merieme Chadid est présidente du Conseil Scientifique pour les Sciences Fondamentales à l’UNESCO, au sein duquel elle milite pour la démocratisation de la science et de l’astronomie en particulier dans les pays où leur accès est difficile notamment pour les jeunes filles. Elle préside également la Division G (Étoiles et Physique Stellaire) de l’Union Astronomique Internationale.

Merieme Chadid
crédit photo : Merieme Chadid

Ses projets sont à la mesure de ses ambitions : augmenter encore la taille des miroirs des télescopes, superviser au Chili l’installation d’un télescope de 39 mètres de diamètre, soit quatre fois plus grand que les VLT, capable de détecter des exoplanètes. Son rêve ultime ? Déployer ce télescope ELT, extrêmement grand, au cœur de l’Antarctique, ce qui constituerait un « pas géant pour l’astrophysique » et qui pourrait, qui sait, nous permettre de répondre à une question qui hante l’humanité depuis la nuit des temps : « sommes-nous seuls dans l’univers ? »