Tunisie. Marche de l’UGTT : la centrale entend conserver son poids socio-politique

Tunis – En ce jeudi 21 août 2025, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a réuni ses forces pour une importante marche partie de la place Mohamed Ali jusqu’à l’Avenue Habib Bourguiba, en réponse à l’attaque contre le siège de la centrale syndicale par des éléments pro pouvoir, qui avait suscité une vive émotion.
Selon les estimations médiatiques, plus de 3 500 manifestants étaient présents sur le parcours malgré un soleil de plomb à la mi-journée. Des images et témoignages évoquent également plusieurs milliers de participants, soulignant une mobilisation relativement remarquable dans le climat tendu actuel où les partis politiques, dont les bases sont démotivées, peinent à rassembler autant de sympathisants.
Les slogans scandés étaient à la fois forts et symboliques, s’articulant autour du « Respect du droit syndical », l’« Indépendance de l’UGTT », ou encore des appels à défendre les acquis des travailleurs et à relancer un dialogue social apaisé.
Le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, a pris la parole et condamné fermement la tentative de faire porter à la centrale la responsabilité de la crise nationale. Il a dénoncé une manœuvre qui, selon lui, vise à étouffer le dialogue social et réaffirme que l’UGTT demeure « un pilier de la Tunisie moderne », qu’il importe de défendre tant sur le plan social que politique et historique.
Slogans pro opposition
La mobilisation du jour s’inscrit dans un contexte marqué par des tensions croissantes entre la centrale syndicale et les autorités. Le 7 août dernier, des partisans présumés du pouvoir avaient tenté d’assiéger le siège de l’UGTT, tout en appelant à sa dissolution, faisant écho aux accusations du président de la République Kais Saïed qui avait la veille fait allusion à la corruption et à la trahison du leadership syndical.
Mais pour l’UGTT, cette offensive s’inscrit dans une stratégie visant à fragiliser la liberté syndicale et le droit à la négociation, « l’un des tous derniers remparts à l’autocratie » dans le pays. Le message de l’UGTT est somme toute clair : sans réouverture du dialogue social, la centrale pourrait déclencher une grève générale. La commission administrative reste d’ailleurs en session permanente et se dit prête à fixer une date dès la rentrée, en septembre, si la situation reste bloquée.
Arrivée aux abords du Théâtre municipal, la marche a observé un sit-in où ont trôné des images de diverses figures de proue de l’opposition actuellement emprisonnées dont l’avocate Sonia Dahmani et l’ex juge Ahmed Souab, signe d’une volonté d’intersectionnalité entre objectifs syndicaux et politiques.
La mobilisation d’aujourd’hui jeudi revêt par ailleurs une dimension internationale : plusieurs syndicats français — CFDT, CGT, Unsa, Solidaires et FSU — ont ainsi explicitement manifesté leur solidarité avec l’UGTT et condamné les pressions exercées par le pouvoir tunisien, appelant l’Union européenne et Paris à « réagir face aux dérives autocratiques observées ».
Reste que pour nombre d’observateurs, l’UGTT a malgré tout opté pour un clash mesuré avec l’actuel pouvoir, étant elle-même empêtrée dans des luttes internes de clans, des problèmes de légitimité de son secrétariat général devenu son véritable talon d’Achille.
