Le câble Medusa atterrit à Bizerte : révolution ou évolution numérique pour la Tunisie ?

 Le câble Medusa atterrit à Bizerte : révolution ou évolution numérique pour la Tunisie ?

Le câble sous-marin Medusa est officiellement arrivé au nord du pays à Bizerte ce weekend, faisant de la Tunisie la première porte d’entrée africaine dans ce vaste réseau méditerranéen depuis l’Europe. Quelles peuvent en être les retombées économiques ainsi que l’impact sur les internautes tunisiens ?

L’opération, menée avec le concours d’Orange Tunisie et de Tunisie Telecom, respectivement un opérateur privé et un FAI étatique du service public, marque après une longue attente une étape concrète vers l’amélioration de la connectivité entre l’Europe et l’Afrique du Nord, et accessoirement un exemple de collaboration aboutie du partenariat public-privé.

 

24 Térabits par seconde

Sur le plan technique, Medusa est un projet d’envergure : un système à architecture de type « festoon » qui comptera plusieurs segments et jusqu’à 24 paires de fibres sur certains tronçons, avec une capacité annoncée pouvant atteindre 20 Tb/s par paire de fibres.

Selon les communications publiques, la liaison initiale Marseille–Bizerte représente un tronçon clé d’environ 1 050 km, tandis que l’ensemble du réseau s’étend sur plusieurs milliers de kilomètres (8760 km aux dernières estimations) et reliera une dizaine de pays riverains de la Méditerranée. Le projet est conçu en accès ouvert (open access), ce qui permet à différents opérateurs d’acheter des capacités sans verrouillage exclusif.

Le cheminement du câble évite par ailleurs les zones à risque comme les déchets et les munitions immergées, et comporte de nombreuses mises à terre (landings) réparties sur la rive nord et sud de la Méditerranée. La première vague de raccordements (Marseille, puis Bizerte et Nador) a été priorisée pour créer immédiatement un couloir à très faible latence entre l’Europe occidentale et le Maghreb, avec une mise en service commerciale prévue pour début 2026.

« Ce câble qui s’étend du Portugal à la Mer Rouge couvrira 13 pays dont la Tunisie qui est bien située (…) Il offre une bande passante quasi-illimitée de 24 Térabits/s et un temps de latence de 5.1 ms », a précisé Oussama Samet, directeur central à Tunisie Télécom.

 

Nouveau paradigme économique

Pour la Tunisie, les retombées attendues sont multiples : d’abord un gain sensible de capacité et de résilience pour les opérateurs nationaux : réduction des coûts d’interconnexion, meilleures garanties de bande passante, etc. dans un pays où les internautes se plaignent couramment des problèmes de débit et de pannes internet.

Cela renforce ensuite l’attractivité de la Tunisie pour les clouds régionaux, les centres de données et les entreprises tech cherchant une connexion directe vers l’Europe, un atout majeur pour l’outsourcing, les services numériques et les applications gourmandes en données dont la 5G, l’IA, et le streaming vidéo. L’accès à un câble open-access soutenu en partie par des fonds européens offre des opportunités pour des offres wholesale compétitives et pour consolider la souveraineté numérique régionale.

Des défis techniques restent néanmoins à gérer. Il s’agit en effet à présent de sécuriser les infrastructures terrestres comme les points d’atterrage et les liaisons au backbone intérieur, de diversifier les routes pour éviter la dépendance à un seul corridor, et négocier des accords commerciaux favorables avec les opérateurs internationaux. Si ces conditions sont réunies, Medusa pourrait alors transformer Bizerte et le pays entier en hub régional de connectivité entre l’Europe et l’Afrique du Nord, stimulant les investissements, les PME et la création d’emplois dans le secteur numérique.

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