Demain, des hommes et des vœux

 Demain, des hommes et des vœux

Il y a des phénomènes qui sont mort-nés, des thèses proclamées trop vite par les gourous de la géopolitique, qui sentent déjà le rance avant même d’avoir commencé. C’est le cas du monde post-mondialisation que l’IA nous décrit comme « une ère de fragmentation géopolitique et économique, marquant un tournant après l’apogée de la globalisation », caractérisée par le retour du nationalisme, le néomercantilisme, une interdépendance plus sélective, des chaînes de valeur réorganisées et un défi lancé à l’universalisme économique au profit de la souveraineté stratégique, avec des signes de relocalisation et une compétition accrue entre grandes puissances (USA, Chine, UE). À cela, d’autres « sachants » ajoutent la montée des populismes et le repli sur soi, d’abord imposés par la pandémie.

Dans ce « nouveau monde », le business as usual est le nec plus ultra des politiques, au moment où les détroits vitaux pour les flux du commerce mondial sont menacés, où l’ordre économique international est totalement remis en cause, signant la fin du monde globalisé et, par la même occasion, la fin de la mondialisation heureuse.

Prenant prétexte de la « mondialisation malheureuse », les politologues nous promettent de profondes failles géopolitiques, marquées par une instabilité palpable à tous les niveaux, partout où la rationalité économique est désormais remplacée par des politiques de déstabilisation, voire de prédation.

Où est le problème alors ?

Le problème, c’est que l’on présente ces conséquences (déjà consommées) comme des causes à venir, et que l’on nous promet une post-mondialisation horrible qui est pourtant déjà là et qui, bien moribonde, n’en a plus pour longtemps.

In fine, les ambiguïtés stratégiques, la troisième guerre mondiale (c’est quoi, ces guerres qui mettent à feu et à sang les Palestiniens, les Soudanais, les Somaliens, les Yéménites, les Indous, les Pakistanais, les Vénézuéliens, etc. — n’est-ce pas déjà une guerre mondiale ?), le blocage du libre-échange n’est-il pas déjà une réalité ? Qui peut arrêter la pente raide sur laquelle s’engage la volatilité financière, même sur les actifs sûrs ? Qui a encore confiance dans un système de sécurisation de l’accès à ses données personnelles ? Et quel homme politique est capable de faire face aux incertitudes du lendemain ?

Pourtant, c’est ce tableau cauchemardesque (pourtant déjà présent entre nous) que l’on agite pour effrayer le chaland sur les perspectives de la post-mondialisation.

Bref, la cascade des chocs géopolitiques qui plonge les décideurs dans un réel état de sidération est bien une réalité aujourd’hui, et c’est ce qui permet d’espérer des lendemains qui chantent.

Et demain ? Dans ce contexte, les hommes doivent se réinventer, s’investir et se projeter dans un monde post-mondialisation qui rompt avec ce que la mondialisation a apporté de pire.

Je cite les dangers pour les pays et les individus : ces crises financières succédant aux crises sanitaires, en passant par la question écologique. Mais, à mon avis, rien n’a eu autant de conséquences désastreuses que les bouleversements culturels imposés par des minorités agissantes regroupées dans une mouvance woke, qui fonctionne comme la mafia italienne : « tu penses comme nous, tu fais comme nous ou tu es contre nous ».

Même si les fondamentaux de la biologie imposent de voir un homme comme un être foncièrement différent d’une femme, dire qu’un homme n’est pas une femme, et réciproquement, le penser ou le dire ouvertement provoque la furie des homosexuels et autres transgenres.

Sur un autre registre, ce sont les bouffeurs de curés qui ne se contentent plus de nier l’existence de Dieu (ce que même Satan n’a jamais osé faire), mais veulent envoyer au bûcher tous ceux qui évoquent un chouïa de spiritualité, avec une prédilection pour les musulmans, devenus subitement — et selon les bons vouloirs d’un sondage commandé et payé rubis sur l’ongle par des officines obscures — des « intégristes » prêts à en découdre avec la République.

Les cris d’orfraie des « dénonciateurs » mettent en garde contre une transformation anthropologique d’une société française menacée de devenir « charia-compatible ».

Autres « bienfaits » de la mondialisation : la coercition de la natalité imposée par l’OMS, l’ONU et les éditoriaux des magazines féminins vantant « une sexualité libérée de la reproduction » et des femmes qui feraient désormais ce qu’elles veulent de leur corps, avec ce summum de la liberté qu’est le droit d’avorter. Résultat : selon les études démographiques, tous les humains font de moins en moins d’enfants. La dénatalité, phénomène mondial qui touche quasiment tous les pays, menace d’extinction des nations entières. Exemple extrême avec l’Italie et le Japon, qui verront leur population quasiment divisée par deux d’ici la fin du siècle…

Et si, justement, il était temps de lâcher la bride au meilleur de l’homme, de faire le choix de revenir à des leaders capables d’anticiper les ruptures stratégiques grâce à une véritable capacité de prospective ? « Cet homme providentiel » n’est pas disponible à tous les coins de rue, mais l’humanité n’a pas enterré tous les hommes qui sont restés debout.

Les Camus, les Che Guevara, les Saladin, les Richard Cœur de Lion, les Alexandre le Grand ne courent certes plus les rues, mais la post-mondialisation est en train de faire émerger, dans la douleur peut-être, des hommes à la carrure de chefs qui semblent prêts à la mission. Ils sont déjà dans la disruption et semblent jongler avec l’incertitude avec conviction, capables de piloter leurs pays, leurs sociétés, à travers le brouillard opaque de la post-mondialisation.

En France, par exemple, j’ai suivi avec intérêt la réaction de Jean-Luc Mélenchon, le 30 octobre, après l’adoption à l’Assemblée nationale d’une résolution du Rassemblement national visant à dénoncer les accords franco-algériens de 1968. Il s’exprimait sur la douleur du « nous (…) Français nés au Maghreb, que ce soit au Maroc, en Algérie ou en Tunisie, et qui y avons encore des amis et nos tombes ». Contrairement à ce que l’on a voulu lui faire dire, Mélenchon ne prônait pas une rupture entre « eux » et « nous », mais, fidèle à une vision apaisée de l’Hexagone, il choisissait de s’adresser aux deux Frances qu’il fallait réconcilier : « vous, la France de toujours, et la nouvelle France », pour dire à quel point il est urgent de tourner la page de la violence.

Ce « métissage » que Mélenchon revendique comme une chance pour la France fait partie autant du combat social et économique que de celui des valeurs. Égal à lui-même, le tribun tient ici un discours de gauche sur une identité d’inclusion, qui fait prendre conscience à tous les Français qu’ils sont égaux et résidents de la même France, même si c’est une France métissée où il y a plus d’enfants issus de l’immigration, à l’heure où les musulmans sont la cible d’une opération de stigmatisation massive menée par toutes les droites du champ politique.

Que faire alors contre le terrorisme des Trump et autres Netanyahou ? Les poubelles de l’Histoire sont riches en hommes qui ont infecté l’humanité de plaies béantes, mais qui ont aussi permis la connaissance physique du « Mal ». Merci à eux de nous avoir permis de visiter ses abysses, et adieu.

(Bonne année à tous)

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