Le MAE tire sur Amnesty International

 Le MAE tire sur Amnesty International

Hassina Oussedik


Le tableau noir dressé par Amnesty International sur la situation des droits de l’homme en Algérie a fait sortir de ses gonds le gouvernement algérien qui n’a pas hésité à remettre en cause la crédibilité et l’autorité morale de l’ONG.


Le rapport annuel 2017/2018 d’Amnesty International, publié jeudi 22 février, a piqué au vif le gouvernement algérien. Après la tentative pour le moins infructueuse e de l’agence officielle APS d’édulcorer, voire de maquiller les conclusions dudit rapport en pondant une dépêche au titre (L'Algérie enregistre des progrès en matière des droits de l'Homme) fort panégyrique mais qui ne reflète en rien  l’esprit du rapport, c’est au tour du ministère algérien des Affaires étrangères de monter sur ses grands chevaux en tombant à bras raccourcis sur l’ONG dirigée par Salil Shetty.


« Le Gouvernement algérien a pris connaissance avec étonnement du contenu du rapport annuel 2017 de l’ONG Amnesty International sur la situation des droits de l’homme dans le monde, présenté par sa section en Algérie, lors d’une conférence de presse à Alger, le jeudi 22 février 2018 », a soutenu, dimanche 25 février, dans une déclaration faite à l’agence officielle APS, le porte-parole du ministère algérien des Affaires étrangères (MAE), Abdelaziz Benali Chérif.


Et d’ajouter :  « le Gouvernement tient à déplorer le fait que dans son chapitre consacré à l’Algérie, ce rapport n'ait pu, encore une fois, porter un regard objectif sur la réalité de la situation des droits de l’homme (en Algérie, ndlr)».


Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, le fonctionnaire du MAE a estimé que « les contrevérités et autres allégations infondées, mentionnées dans ce rapport, ne font regrettablement que reproduire mécaniquement des stéréotypes désuets, d'appréciations partiales et de conclusions simplistes ».


Amnesty International est retombée dans  ses habituels « errements » qui, aux yeux de M. Cherif  Benali, « disqualifient irrémédiablement ce rapport dont le manque de cohérence, résultat de l’amateurisme tout autant que des préoccupations médiatiques immédiates d’AI, est foncièrement évident ».


Mieux encore, il est allé jusqu’à affirmer que « la problématique sensible des droits de l’homme fait les frais d’une approche et d’une pratique douteuses de la part de cette Organisation », avant de remettre en cause   « l'autorité morale » de cette ONG.


Dans son rapport annuel 2017, Amnesty International a déploré l’absence de toute amélioration de la situation des droits de l’homme en Algérie, tout en dénonçant, pêle-mêle, l’emprisonnement arbitraire, des poursuites judiciaires contre les membres d’une minorité religieuse, l’impunité pour les atteintes aux droits de l’homme ou encore  les expulsions massives de migrants.


«  Cette année encore, les  autorités ont arrêté et poursuivi en justice des militants pacifiques, dont des personnes qui manifestaient contre le chômage ou au sujet des services publics », a-t-elle regretté, citant le cas du journaliste fixeur Saïd Chitour emprisonné pour « espionnage ».


Pour ce qui est des restrictions sur les libertés religieuses, AI s’est focalisée sur la communauté des Ahmadis qui font l’objet d’une véritable persécution.


« Plus de 280 membres du mouvement religieux minoritaire ahmadi ont fait l’objet de poursuites en lien avec leurs convictions ou pratiques religieuses durant l’année », a énuméré l’ONG qui s’est aussi attardée sur la situation des migrants subsahariens qui font souvent l’objet d’expulsions manu militari.


6500 migrants subsahariens expulsés


« Entre août et décembre, les autorités ont procédé, sur la base d’un profilage ethnique, à l’arrestation arbitraire et à l’expulsion forcée de plus de 6 500 migrants originaires de divers pays d’Afrique subsaharienne vers les États voisins du Niger et du Mali », a relevé AI qui n’a pas manqué de revenir sur l’épisode du blocage, entre avril et juin 2017, 25 refugiés syriens à la frontière algéro-marocaine.  


« D’avril à juin, un groupe de 25 réfugiés syriens, dont 10 enfants, est resté bloqué dans la zone tampon entre le désert marocain et l’Algérie (…) En juin, les autorités algériennes ont annoncé qu’elles allaient les autoriser à entrer en Algérie et permettre au Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) de les aider. Cependant, elles ont par la suite refusé de les laisser entrer à un point de passage non officiel. Les réfugiés sont restés bloqués dans le désert jusqu’à ce que le Maroc leur accorde une protection », a dénoncé l’ONG.


Yacine Ouchikh

Yacine Ouchikh