Coup de cœur. Ma mère, ma République

Issam Rachyq-Ahrad nous ouvre la porte de la cuisine de sa mère. Une femme forte et discrète, qui fredonne Dalida et Claude François et qu’on imagine autrefois dansant dans son salon, vêtue d’une robe rouge à paillettes. Après une vie passée derrière les fourneaux d’une cuisine d’hôpital, la voilà à la retraite, foulard sur la tête depuis son veuvage.
Ce simple morceau de tissu lui vaut désormais remarques, insultes et humiliations qu’elle encaisse en silence. À cette femme réduite au mutisme, son fils rend la parole via un spectacle touchant, drôle et lucide : Ma République et moi.
L’idée est née d’un incident survenu le 11 octobre 2019 au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, lorsqu’un élu du Rassemblement national s’en est violemment pris à une mère voilée accompagnant des élèves en sortie scolaire venus assister à une séance ayant pour thème « Ma République et moi »…
Ce jour-là, Issam Rachyq-Ahrad a vu remonter à la surface des blessures enfouies. De ces souvenirs douloureux, il a tiré une pièce qu’il a écrite, mise en scène et qu’il interprète seul, incarnant tour à tour la mère et le fils.
Il aurait aimé faire monter sa mère sur les planches mais, après quelques essais, elle a préféré rester en retrait. Sa présence n’en est pas moins palpable. Sa voix résonne via des enregistrements audio. Son image apparaît dans la vidéo qui clôt la pièce.
Issam Rachyq-Ahrad s’inscrit ainsi dans une lignée d’artistes qui rendent hommage à cette première génération venue d’ailleurs.
L’été dernier, Mohamed El Khatib investissait la nef du Grand Palais avec Le Grand Palais de ma mère, une œuvre pluridisciplinaire où il célébrait, lui aussi, ces figures maternelles discrètes mais centrales dans la mémoire collective.
Comme lui, Rachyq-Ahrad transforme l’intime en scène publique. Un geste d’amour filial autant que politique.
Ma République et moi, de Issam Rachyq-Ahrad
Théâtre du Rond-Point, Paris – Jusqu’au 19 octobre (Billetterie)
Puis en tournée
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