Fatma Bouvet de la Maisonneuve : « La flamme républicaine existe, il faut la rallumer »

 Fatma Bouvet de la Maisonneuve : « La flamme républicaine existe, il faut la rallumer »

L’Institut d’études et d’actions citoyennes, fondé et présidé par la psychiatre franco-tunisienne Fatma Bouvet de la Maisonneuve, offre aux victimes de racisme un accompagnement à la fois médical et juridique.

À travers un réseau de référents présents dans toute la France et mobilisés sur LinkedIn, Facebook et bientôt Instagram, cette nouvelle structure, annoncée le 12 septembre, entend répondre à l’urgence d’une société fracturée, où le racisme blesse autant les corps que les esprits.

Comment est né l’Institut d’études et d’actions citoyennes et quel est son rôle ?

L’urgence s’est imposée avec la dissolution de l’Assemblée nationale et les européennes en 2024. Des gens envisagent de quitter la France par peur.

Nous avons choisi un nom citoyen, n’incorporant pas le mot “racisme”, car ce combat concerne tout le monde. De plus, ce terme peut être perçu comme ne concernant que les personnes racisées alors qu’il s’agit vraiment d’une action citoyenne pour et avec tous les Français.

La singularité de l’Institut est d’intégrer la dimension médicale et juridique : le racisme cause des traumatismes psychiques réels. Peu de gens savent que leur mal-être est lié à des agressions racistes. Aux États-Unis, ce lien est connu, enseigné et conscientisé, ce qui n’est pas le cas en France.

Par ailleurs, il n’y a pas de réparation psychique sans réparation juridique. Nous avons aussi créé un réseau de référents (juristes, médecins, psychologues, travailleurs sociaux) pour accompagner les victimes.

Quels effets du racisme observez-vous et dans quels contextes se manifestent-ils le plus ?

Ils ressemblent aux syndromes post-traumatiques : anxiété, insomnie, dépression, perte de confiance, consommation de produits, mais aussi des conséquences physiques comme l’hypertension ou le diabète. Certains vont jusqu’à vouloir en finir, convaincus qu’ils ne valent rien.

Ces atteintes surviennent notamment dans le monde du travail, où les insultes, humiliations et mises au placard sont fréquentes. Les syndicats reconnaissent manquer d’outils pour agir. Nous voulons que le racisme soit pris en compte au même niveau que le sexisme dans les politiques syndicales et institutionnelles.

Outre ces violences, j’ai aussi défini le “médiatrauma” qui consiste en une souffrance provoquée par les discours politiques et médiatiques mensongers sur l’immigration, qui entraînent cauchemars, insomnies, “boule au ventre”.

Le coût de ces discriminations, reconnu mais rarement médiatisé, est énorme : arrêts maladie, chômage, perte de confiance chez les enfants, échecs scolaires. On valorise trop peu la contribution positive de l’immigration, pourtant indispensable à notre système de santé et à une société vieillissante.

Que retenez-vous de votre Tour de France réalisé à l’occasion de la promotion de votre ouvrage « Debout, tête haute, manifeste pour répondre au racisme » ?

En six mois, j’ai constaté que les priorités des territoires sont surtout l’accès aux soins, aux études et à l’emploi. Le racisme n’est pas toujours le sujet principal mais plutôt les inégalités territoriales.

J’ai aussi vu des jeunes très engagés qui redonnent espoir. Sur le terrain, j’ai rencontré des citoyens profondément républicains. La flamme existe, il faut la rallumer.

La réponse au racisme doit être politique et humaine. Nous attendons des responsables qu’ils cessent d’attiser les divisions et la haine et qu’ils renouent avec un récit national fédérateur.

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