Le réveil arabe au Qatar : La solidarité au nom de la survie

 Le réveil arabe au Qatar : La solidarité au nom de la survie

copyright : www.janbrouckaert.com

Le chercheur et docteur en relations internationales, Sébastien Boussois revient sur la réunion des pays arabes au Qatar, après l’attaque israélienne contre l’Emirat et la réponse en conséquence.

L’émir du Qatar, Cheikh Tamim bin Hamad Al-Thani (au centre), posant pour une photo de groupe avec des dirigeants, des chefs d’État et d’autres responsables lors du sommet d’urgence arabo-islamique de 2025 à Doha, le 15 septembre 2025. (Photo par l’agence de presse Qatar News Agency / AFP

L’annonce le 15 septembre dernier, à Doha, d’un communiqué commun réunissant les pays arabes, marque l’un de ces instants rares où les divisions habituelles semblent s’effacer pour laisser place à une parole unie. Elle est rare mais après les bombardements israéliens sont a été victime le Qatar, c’est toute une région qui craint l’embrasement.

Dans un monde arabe souvent accusé de fragmentation et d’impuissance, le Qatar pourrait réussir à créer les conditions d’un rassemblement autour d’une cause qui transcende les frontières et les clivages : la défense de la Palestine. Mais en réalité, il est surtout question derrière cela aussi, d’une problématique encore plus importante pour les pétromonarchies : leur propre survie après le revirement américain.

Lors de ce sommet, les pays arabes ont réaffirmé que les bombardements israéliens contre le Qatar compromettaient toute perspective de paix régionale. Ainsi, ils condamnaient unanimement l’attaque du 9 septembre 2025 sur Doha, visant zones résidentielles, écoles et locaux diplomatiques. Pour eux, cela constitue une violation flagrante du droit international et une menace pour la sécurité internationale.

Les participants à ce forum ont salué les efforts de médiation du Qatar, de l’Égypte et des États-Unis sont pour mettre fin à la guerre de Gaza. A la fin du communiqué final, c’est la Ligue arabe qui appelle enfin à renforcer la sécurité collective, à œuvrer pour la création d’un État palestinien et à instaurer un Moyen-Orient sans armes de destruction massive. Cela faisait longtemps que tant de pays de la région n’avaient pas parlé d’une seule voix.

Depuis des décennies, les tentatives de dialogue collectif arabe se sont trop souvent perdues dans les méandres des rivalités régionales, des ingérences extérieures et des calculs à courte vue. Pourtant, au moment où Gaza ploie sous les bombes et où la tragédie palestinienne continue de déchirer les consciences, et maintenant que le Qatar a été frappé sur son territoire pour la première fois de son histoire par l’Etat hébreu, il est urgent de retrouver la force d’une voix commune.

C’est précisément ce que pourrait incarner l’initiative portée par Doha dans le cadre de ce sommet qui vient de s’achever : un rappel salutaire que la question palestinienne n’est pas un dossier secondaire, mais bien le cœur battant de la stabilité et de la légitimité du monde arabe. Pourtant, depuis plusieurs années, les intérêts divergent et sont dictés pour certains par l’appât de la nouvelle dynamique des relations économiques engagées par les Accords d’Abraham.

Le Qatar fragilisé peut-il s’imposer aujourd’hui comme un catalyseur d’unité ? En misant sur la diplomatie, sur la médiation et sur une approche inclusive, il pourrait redonner au monde arabe la possibilité d’apparaître non pas comme une mosaïque d’intérêts contradictoires, mais comme une communauté soudée par un même intérêt vital et la défense complexe du dossier palestinien.

Les conclusions du communiqué final du Sommet ne sont pas seulement symboliques : elles rappellent à Israël que l’occupation et la guerre ne peuvent constituer un horizon indépassable, et elles rappellent à la communauté internationale que la solution à deux États ne peut rester un slogan vidé de sa substance. Chacun devrait s’y atteler et garantir aussi la sécurité de la région, qui passe par la stabilité de la région du Golfe.

Certes, les divisions persistent, notamment entre les pays ayant normalisé leurs relations avec Israël et ceux qui s’y refusent encore. Mais l’essentiel est peut-être ailleurs pour le moment : dans la capacité retrouvée à s’asseoir autour d’une même table et à affirmer qu’aucune paix durable ne verra le jour tant que les droits fondamentaux des Palestiniens seront niés, tout en étant critiques du Hamas et en appelant pour un certain nombre de pays de la région à son désarmement. La fracture des dernières années, incarnée par les accords d’Abraham, ne doit pas être une fatalité. Au contraire, ce moment de convergence à Doha pourrait ouvrir la possibilité d’un dépassement, d’une recomposition autour d’un intérêt supérieur : la fin des violences, la reconnaissance mutuelle et la réconciliation.

Le communiqué final qui remet aussi en selle le Maroc et le Roi, président du comité Al Qods par ailleurs, n’est pas une fin en soi, mais un point de départ. Il trace un programme et un semblant de perspective que les capitales arabes doivent désormais traduire en actes. Affaire à suivre que ce sommet historique organisé en 48 heures et qui a vu se ranger derrière Doha tous les acteurs importants du dossier palestinien et qui ont compris que les Etats-Unis ne seront peut-être plus là pour les protéger dans la région de leurs propres faiblesses historiques.