Meryem Elyajouri, la Marocaine qui traque le carbone des étoiles

 Meryem Elyajouri, la Marocaine qui traque le carbone des étoiles

Meryem Elyajouri, astrophysicienne marocaine au Space Telescope Science Institute, spécialisée dans l’étude du carbone interstellaire. (Photo de fond : NASA / AFP)

Chercheuse au Space Telescope Science Institute à Baltimore, cette astrophysicienne traque la poussière d’étoiles, ce carbone d’où tout naît. Entre Rabat, Paris, le désert d’Atacama et le Maryland, elle incarne une génération de femmes scientifiques qui redessinent la carte du ciel.

 

À Baltimore, dans les couloirs feutrés du Space Telescope Science Institute, le centre qui pilote les missions Hubble et James Webb, Meryem Elyajouri, astrophysicienne de 32 ans, scrute les pouponnières d’étoiles à la recherche du carbone, cette trace élémentaire de la vie.

« Je traque le carbone cosmique, l’ADN de l’univers. »

Née en 1992, Meryem Elyajouri grandit à Rabat sous un ciel où les constellations lui servent de repères. Très tôt, elle se distingue par sa curiosité insatiable. « Au collège, j’embêtais tout le monde avec l’astronomie », se souvient-elle en riant.

Son frère lui offre ses premiers magazines Science & Vie et Ciel & Espace. Elle les dévore. Puis vient le déclic via une présentation du système solaire par de jeunes Marocaines lors des Olympiades de physique. La lycéenne se dit : « Tiens, moi aussi, je pourrais faire ça un jour. »

Quelques mois plus tard, le directeur de l’établissement, lassé de l’entendre se plaindre du manque d’intérêt pour son domaine fétiche, tranche : « On va créer un club d’astronomie, et tu en seras la présidente. »

Le club comptait… une seule membre, mais lui ouvre les portes d’une rencontre décisive avec Françoise Combes, astrophysicienne à l’Observatoire de Paris. Cette rencontre sera décisive : cette dernière deviendra sa marraine de doctorat.

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Lauréate du prix de thèse de l’Union astronomique internationale

Après deux années de classes préparatoires, Meryem Elyajouri s’oriente vers la mécanique énergétique à la faculté des sciences de Rabat, avant de rejoindre Paris en 2013 pour un master en astrophysique à la Sorbonne et à l’Observatoire de Paris.

Trois ans plus tard, elle se lance dans une thèse sur le carbone interstellaire à Meudon. Elle y analyse des milliers d’étoiles pour retracer la chimie de notre galaxie.

« Ma thèse a marqué un changement d’échelle. On est passé de quelques étoiles à des milliers. Je voulais comprendre comment les molécules de carbone racontent l’histoire du cosmos. »

En 2018, ses travaux sont récompensés par le prix de thèse de l’Union astronomique internationale.

Fin 2019, elle rejoint l’Observatoire européen austral, au Chili. Dans le désert d’Atacama, où la Voie lactée semble si proche qu’on pourrait la toucher, elle passe ses nuits à observer le ciel. Puis le monde s’arrête, le Covid-19 gèle les missions scientifiques.

Deux années suspendues, qu’elle met à profit pour créer Titriland, la première entreprise marocaine d’astro-tourisme et de vente de matériel astronomique. « J’ai toujours voulu que l’astronomie sorte des laboratoires. Elle appartient à tout le monde. »

En 2021, retour à Paris. Meryem Elyajouri décroche une bourse du CNES pour travailler sur les premières données du télescope James Webb.

« Faire partie de la première vague de chercheurs à analyser les images d’un télescope à 10 milliards de dollars, c’était d’une intensité incroyable. »

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La plus belle voûte céleste

Aujourd’hui à Baltimore, elle poursuit sa quête du carbone interstellaire mais son pays natal ne quitte pas pour autant ses horizons. À travers des initiatives comme SpaceBus Maroc ou la Fondation Atlas Dark Sky, elle milite pour l’astro-tourisme et la protection des ciels étoilés.

« Le Maroc a l’un des plus beaux ciels du monde. Préserver cette richesse, c’est préserver un patrimoine scientifique, écologique et culturel. »

En dépit des apparences, le parcours de Meryem Elyajouri n’a rien d’un long fleuve tranquille. « Être une femme dans un domaine encore masculin, issue d’un pays sous-représenté dans la recherche spatiale, ce n’est pas simple. »

Elle évoque le doute, la fatigue, les financements incertains mais aussi cette force tranquille née de la conviction que la différence est une richesse.

« À un moment, il faut arrêter de chercher la validation des autres et se demander : qu’est-ce que moi je veux découvrir ? »

Sous les étoiles du Maroc ou celles du Maryland, Meryem Elyajouri poursuit sa trajectoire singulière. Celle d’une enfant qui, un soir, a levé les yeux vers le ciel et n’a plus jamais cessé d’y croire.