Calais : exilés invisibilisés, démantèlements démultipliés

 Calais : exilés invisibilisés, démantèlements démultipliés

PHILIPPE HUGUEN / AFP


Un peu plus de trois ans après le démantèlement de la « Jungle » de Calais, le quotidien des exilés reste une lutte constante dans le silence le plus total.


Démantèlements


Si la « Jungle » de Calais a été démantelée fin 2016, elle qui a compté jusqu'à 10 000 personnes, les candidats à la traversée de la Manche continuent d'affluer. Moins visibles parce qu'ils ne concentrent pas dans un seul camp, les exilés campent dehors dans quatre lieux de vie plus ou moins « officiels ». La préfecture, qui ne veut pas voir se former une nouvelle « Jungle », procède à des démantèlements, de chaque lieu de vie, toutes les 48h. Pour Antoine Nehr, militant d'Utopia 56 Calais, ça devient du harcèlement : « Dans la tête des personnes qui sont sur ces lieux de vie c'est carrément dans leur programme de la journée. Parfois ils refusent un rendez-vous chez le docteur en disant, qu'à ce moment-là, la police va arriver et qu'il faudra qu'ils soient là pour récupérer leurs affaires. C'est constant et c'est un harcèlement psychologique pour tous ceux qui le subissent ».


 Dialogue bloqué


Outre les démantèlements quasi quotidiens, des opérations de « mise à l'abri » ont également lieu, dans une moindre mesure. Pour Utopia 56 Calais, ces « mise à l'abri » sont inefficaces : « Des départs en CAES [Centre d'accueil et d'examen des situations, ndlr] sont proposés. Mais avec le public qu'il y a, à Calais, ça ne fonctionne pas du tout parce que la plupart des gens qui sont là ont soit pour projet direct d'aller en Angleterre, soit ont été déboutés du droit d'asile, soit sont dublinés dans un autre pays. C'est une boucle infernale où on amène les gens en CAES et quelques jours après ils sont de retour à Calais ». Des faits qui, pourtant, peinent à convaincre la préfecture d'apporter de vraies solutions d'hébergement à Calais et pas uniquement des « mise à l'abri » en CAES.


Brexit


La traversée vers l'Angleterre, que ce soit par bateau ou par camion, se révèle extrêmement périlleuse. Et les exilés, notamment les mineurs, pourraient être poussés à prendre plus de risques pour rejoindre la Grande-Bretagne, ce, dès la fin de l'année. Début janvier, les députés britanniques ont voté l'éviction de l'amendement 17, qui avait été adopté en 2016 et assurait, pour les migrants mineurs non-accompagnés (MNA), le droit de rejoindre des membres de leur famille en, y compris après l’entrée en vigueur du Brexit. Une nouvelle qui inquiète les associations travaillant sur place comme le confie Antoine Nehr : « Le fait de remettre ça en question, ce sera très compliqué surtout pour les mineurs qui sont en procédure de réunification. Malgré tout ça nous laisse le temps créer un plaidoyer ou de travailler sur les textes pour que les réunifications ne deviennent pas impossibles. Ce serait dramatiques et nous sommes tous inquiets sur ce sujet là ».

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