Rizlen Zouak : du tatami à l’octogone de MMA

crédit photo : archives personnelles de Rizlen Zouak
Multiple championne d’Afrique de judo et doublement qualifiée pour les Jeux Olympiques, l’énergique franco-marocaine, Rizlen Zouak a choisi de bifurquer vers le MMA à l’âge de 30 ans. Bien lui en a pris car elle a réussi l’exploit de devenir, en 2023, la première marocaine à être championne du monde des bantaweight de son sport.
Rizlen Zouak a la « bagarre » dans les gênes. Dans le salon de la maison familiale de Casablanca, trônaient les photos de son grand-père maternel avec Marcel Cerdan. Ses oncles et sa mère s’entrainent pour leur part à la lutte. C’est donc tout naturellement que la native de Beaune en Côte d’Or va se lancer à 6 ans dans le judo. « Au départ, je faisais du tennis juste en face et regardais toujours ce qui se passait, indique Rizlen Zouak. Un entraineur franco-marocain m’a mis le pied à l’étrier. J’avais un coté garçon manqué et ce sport m’a tout de suite plu. »
Intense dans son activité, elle réussit très vite à gagner des compétitions au point de donner une interview à un journal local. A 10 ans, la petite Rizlen, haute comme 3 pommes, l’affirme à qui veut l’entendre : « Je participerais aux Jeux Olympiques ». Cette combattante acharnée remporte tous ses matchs jusqu’au niveau des cadettes. « J’aime me donner à fond pour remporter mes combats. Quand je perds, je suis en colère. Je déteste l’échec même s’il est formateur.»
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Une lionne de l’Atlas dans le cœur
Et Rizlen Zouak ne s’arrête pas au judo. Très sportive, à l’âge de 14 ans, elle doit choisir entre l’athlétisme (cross), le handball et le judo. Elle se lance dans l’art martial car « elle aime la bagarre ». Elle part en pensionnat pour suivre du sport-études à Strasbourg. Après une participation au tour de France en cadet où elle bat la numéro 1 française, elle est alors convaincu d’être dans la bonne voie. Classée parmi les meilleurs, elle rejoint le top niveau français à l’INSEP. Une véritable école de la vie et de l’excellence surtout en France où le judo dispose d’athlètes de haut niveau. « J’étais fière d’appartenir à une sortie d’élite de la compétition mondiale, nous rappelle Rizlen Zouak. J’étais sur le podium. Dans ma catégorie, il y avait la championne Lucie Décosse à l’époque. C’était difficile de la détrôner. »
Alors qu’elle fait partie du top mondial du judo, Rizlen décide de faire un choix décisif pour sa carrière. Elle se lance dans les compétitions mondiales sous les couleurs du Maroc. Un attachement que l’on sent sincère tellement le vibrato de sa voix s’anime quand elle parle du pays d’origine de ses parents. « Mon père vient de Sidi Kacem et ma mère de Casablanca. Tous les étés, on y allait durant deux mois. Le Maroc, c’est tout pour moi. Quand tu es bon dans ton domaine et que tu es Marocain du Monde, il y a quelque chose qui nous dépasse et qui fait que l’on veut représenter notre pays au delà de tout. J’avais toujours mon drapeau marocain sur moi même quand j’allais en compétition. C’était une fierté et un honneur. »
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L’aventure olympique
En 2011, Rizlen Zouak se lance dans une quête folle pour parvenir à se qualifier pour les Jeux de Londres en 2012. En effet, le Maroc n’est pas du tout au niveau dans ce sport. Manque d’infrastructures, de stabilité à la fédération et de coachs de bon niveau. Certains jalousent même ce petit prodige venu de l’étranger. « Des fois, on percevait des regards qui nous faisaient sentir que l’on était pas des vrais Marocains. Ça m’a beaucoup affecté au début puis après je montrais mon passeport marocain à qui le voulait bien. »
Repartant de zéro, à 26 ans, elle obtient la médaille d’or aux jeux panarabes au Qatar, puis non sans difficultés, aux championnats d’afrique. Elle décroche alors son ticket pour les Jeux de Londres en 2012. Avec Rizlen Zouak, le Maroc tient sa première qualification féminine dans ce sport. « Pour y arriver, j’ai du passer par les championnats continentaux. On a cherché à m’empêcher de concourir pour le Maroc en allant jusqu’à appeler la fédération française pour savoir si j’avais bien obtenu mon bon de sortie de chez eux. Lors de ma victoire à Dakar, c’était le titre continental, ma qualification aux Jeux et l’anniversaire de mon père qu’on a fêté. On été fous de joie ! J’aboutissais à m on rêve de petite fille. Aux Jeux Olympiques, on a affaire aux 16 meilleurs mondiaux. J’ai perdu au premier tour mais j’ai encore des images dans la tête de ces moments dans le village olympique. »
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Seule Marocaine Championne du monde de MMA
Payé par son club marocain, elle continue à s’entrainer de plus belle et arrive à s’imposer 3 fois de 2012 à 2015, aux championnats d’Afrique. En 2016, elle est vice-championne du continent ce qui lui permet de se qualifier une deuxième fois pour les Jeux de Rio en 2016. Eliminée au premier tour, elle choisit à 30 ans, une nouvelle voie : le Mixed Martial Arts (MMA). S’appuyant sur ses techniques de judo et de jujitsu, elle doit acquérir d’autres disciplines pour pouvoir combattre. « J’ai appris tout ce que je ne savais pas comme la boxe par exemple. Je m’entraînais même trois fois par jour pour progresser vite. J’avais envie de nouveaux challenges. Je m’entrainais déjà dans une salle de MMA pour ma préparation physique. J’étais sure que cela allait me plaire.»
Reconvertie en 2017, Rizlen Zouak se fait un point d’honneur d’être la première combattante marocaine de cette discipline. Petit à petit, elle rentre dans le top 15 mondial jusqu’en 2023 où elle atteint le graal. A 37 ans, elle devient la première marocaine championne du monde des bantaweight. « Les femmes au MMA ne sont pas très connues alors qu’elles s’entrainent tout autant. Le regard est différent. Au Maroc, par exemple, on parle souvent du MMA masculin et très peu des femmes. Si je ne communique pas sur les réseaux, personne ne le sait. Même après mon titre de championne du monde, j’ai eu très peu de sollicitations alors que j’ai quand même rapporté ce titre à mon pays. C’aurait été un honneur de pouvoir le présenter à Sa Majesté ! »
Un couple de combattants
Rizlen Zouak a aussi évolué sur son sport grâce à celui qui partage sa vie, son mari le champion de MMA, Faycal Hucin. Ces deux sportifs se motivent pour aller de l’avant dans un sport qui demande résilience, hargne et force de caractère. « Faycal est un des premiers à avoir représenter le Maroc dans ce sport, rappelle Rizlen. On se challenge et on se soutient. On se motive tous les deux pour aller s’entrainer. A la maison, on ne parle pas toujours de MMA mais quand j’ai des combats, il est toujours derrière moi.» Une sérénité que l’ancienne judokate apprécie tout comme son travail d’éducation au sport de combat qu’elle mène à Vigneux-sur-Seine. « J’aime bien partager ces moments-là avec des enfants. Quand tu voix le bonheur des gamins du quartier, ça me donne l’envie de transmettre. Je sais aussi à travers leurs sourires, qu’ils n’ont qu’une hâte c’est de venir s’entrainer avec moi pour accomplir leurs rêves comme moi ! »
