Tunisie. Quels sont les principaux enseignements démographiques du recensement publié par l’INS ?

Annoncés le 17 mai 2025 par l’Institut national de la statistique (INS), les résultats du recensement général de la population et de l’habitat effectué en 2024 ont révélé une hausse de 989.415 habitants au cours de la dernière décennie. Une modeste croissance démographique qui traduit une réalité : le vieillissement de la population et une faible natalité préoccupante, à l’aune de profondes mutations tant sociales que sociétales.
Ainsi au 6 novembre 2024, la Tunisie comptait 11 972 169 habitants, contre 10 982 754 habitants en 2014, soit un taux d’accroissement annuel moyen de 0,87 % sur la même période, ce qui reflète une évolution démographique « notable », selon l’INS. On apprend par ailleurs via la même source que la population étrangère en Tunisie représente 0,55 % de la population totale.
S’agissant de la répartition par sexe, les femmes représentent 50,7 % de la population totale, contre 49,3 % pour les hommes, « ce qui reflète une stabilité relative de cet indicateur par rapport aux années précédentes », précise l’INS. Plusieurs facteurs peuvent expliquer la prédominance féminine, notamment l’écart en espérance de vie entre les hommes et les femmes, supérieur en moyenne à quatre ans ; la baisse du taux fécondité, qui est aujourd’hui inférieur au seuil de renouvellement des générations, ainsi que la migration internationale, généralement marquée par la prédominance masculine.
« Cette prédominance féminine croissante soulève, toutefois, des enjeux majeurs en matière de planification, notamment dans les domaines de la santé, et de la sécurité sociale, qui devrait désormais prendre en considération cette réalité démographique ».
Densité : Persistance de la centralisation
Les résultats du recensement de 2024 ont en outre révélé qu’un peu plus de la moitié de la population totale (soit 59,1 %) réside dans le district 2 qui regroupe les gouvernorats du grand Tunis : Ariana, Tunis, Ben Arous, Manouba, puis Nabeul et Zaghouan et enfin dans le district 3 qui englobe les gouvernorats de Sousse, Monastir, Mahdia, Kairouan, Kasserine et Siliana.
Le même recensement met en lumière des dynamiques démographiques complexes et contrastées entre les différents gouvernorats et régions de la Tunisie. Les données démographiques par gouvernorat révèlent en effet d’importantes disparités, principalement expliquées par l’évolution négative de la fécondité, les flux migratoires internes et internationaux, ainsi que par les transformations de la structure de la population.
Un vieillissement chronique
Ces chiffres mettent en exergue une mutation démographique profonde, marquée par une décélération constante de la croissance démographique et un vieillissement accéléré de la population tunisienne, et une croissance démographique historiquement basse : entre 1956 et 1984, la Tunisie avait ainsi connu une croissance démographique soutenue, atteignant un pic de 2,48% par an en 1984, malgré le chantier conséquent de l’Etat bourguibiste qui a promu le planning familial. Cette dynamique s’est peu à peu essoufflée :à compter de 1994, le rythme de croissance a chuté de manière continue : 1,21 % en 2004, puis 1,04 % en 2014 et dorénavant la zone rouge de 0,87 % en 2024.
Ce dernier chiffre constitue le taux le plus faible jamais enregistré depuis l’indépendance du pays. L’INS y voit les effets conjugués de la baisse de la fécondité, de l’allongement de la durée de vie et d’une transition démographique bien entamée : la proportion des enfants âgés de 0 à 4 ans est passée de 18,53% en 1966 à seulement 5,86% en 2024. Les enfants de 5 à 14 ans représentent désormais 16,97% de la population. En revanche, la part des personnes âgées de 60 ans et plus est passée de 5,58% en 1966 à 16,88% en 2024. Le cœur de la population active (15-59 ans) reste néanmoins majoritaire avec 60,29%, mais tend aussi à se contracter, une résultante selon divers analystes de la crise de l’institution du mariage qui a reculé de près d’un tiers en une décennie.
Autre donnée inquiétante, d’après l’institut le taux d’analphabétisme chez la population âgée de dix ans et plus s’élève dorénavant à 17,3 %. Ce taux atteint 22,4 % chez les femmes, contre seulement 12 % chez les hommes. Selon les données de l’INS, ce taux a baissé de 3,2 points chez les femmes mais seulement de 0,8 point chez les hommes par rapport à 2014.
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