Tunisie. Recrutement exceptionnel dans le secteur public : priorité aux diplômés de plus de 40 ans

 Tunisie. Recrutement exceptionnel dans le secteur public : priorité aux diplômés de plus de 40 ans

Tunis – L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) examine une proposition de loi visant à intégrer les diplômés chômeurs de longue durée, exclus depuis des années du marché du travail.

Les travaux d’une séance plénière sous la coupole du Bardo, consacrée à l’examen de la proposition de loi n°23 de l’année 2023, ont débuté ce mardi matin 18 décembre au Parlement. Le texte porte sur l’instauration de dispositions exceptionnelles pour le recrutement, dans le secteur public et la fonction publique, des diplômés de l’enseignement supérieur en situation de chômage de longue durée, avec une priorité clairement accordée aux personnes âgées de plus de 40 ans.

Composée de huit articles, la proposition a été initiée par un groupe de députés et confiée à la Commission de la planification stratégique, du développement durable, du transport, des infrastructures et de l’aménagement du territoire. Dans sa version amendée, l’article premier prévoit un mécanisme de recrutement exceptionnel placé sous la tutelle du ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle, afin de traiter un dossier social qualifié de « chronique » par ses promoteurs.

 

Une plateforme numérique et des critères de priorité controversés

Le cœur du dispositif repose sur la création d’une plateforme numérique nationale, prévue par l’article 2, destinée à centraliser les données des candidats. Ces derniers seront classés selon un ordre de priorité fondé notamment sur l’âge — avec un avantage pour les plus de 40 ans —, l’ancienneté du diplôme (plus de dix ans), le principe d’un seul bénéficiaire par famille, ainsi que la situation sociale.

L’article 3 encadre strictement les conditions d’éligibilité : inscription préalable auprès des bureaux de l’emploi, absence de bénéfice de dispositifs antérieurs de régularisation, non-affiliation continue aux régimes de retraite et de sécurité sociale, absence de numéro d’identification fiscale durant l’année précédant l’inscription, et non-détention de crédits bancaires dépassant 40 mille dinars. Pour l’opposition, cette barrière d’entrée qualifiée de drastique « suppose qu’un chômeur de longue durée a pu survivre sans avoir entrepris la moindre activité entrepreneuriale ».

Le recrutement se fera par ailleurs sur dossier, conformément à l’article 4, suivi d’une période de stage adaptée au poste occupé. Les postes vacants seront pourvus parmi les inscrits répondant aux critères, tout en veillant à un équilibre entre les différentes spécialités, précise l’article 5. Le processus sera étalé sur une période maximale de trois ans à compter de la promulgation de la loi, avec une mise à jour annuelle des données des candidats.

 

Une réponse à une impasse sociale durable dans un timing opportun

Selon l’exposé des motifs, cette initiative s’inscrit dans l’application des articles 13, 18 et 46 de la Constitution de 2022, qui consacrent le droit au travail et obligent l’État à en garantir l’accès sur la base de l’équité et de la compétence. Elle vise aussi à offrir des perspectives à une catégorie de diplômés longtemps marginalisée, souvent incapable de créer des projets privés en raison des restrictions d’âge liées aux crédits d’investissement, malgré certaines mesures prévues par la loi de finances 2025.

Les porteurs du texte soulignent enfin les difficultés particulières rencontrées par les diplômés des filières littéraires, des sciences humaines et des sciences naturelles, dont les profils correspondent rarement aux exigences actuelles du marché. Pour eux, cette loi exceptionnelle pourrait marquer la fin d’une attente interminable et réparer une injustice sociale persistante.

Au moment où l’UGTT durcit sa confrontation avec le pouvoir avec la grève générale prévue pour le 21 janvier prochain, si la mesure passe en ce timing précis, il se murmure au sein de la majorité dans les arcanes de l’hémicycle qu’elle couperait l’herbe davantage encore sous les pieds de la centrale syndicale.