USA. Les sociétés occidentales à l’épreuve du terrorisme d’extrême gauche
Tyler Robinson, en combinaison verte antisuicide, a brièvement comparu devant le juge Tony Graf qui lui a lu les chefs d’accusation retenus contre lui et a fixé la prochaine audience au 29 septembre
Operation truth, « opération Vérité », nous avons inventé ce néologisme pour désigner un travail de décryptage de grande ampleur censé, en cas de besoin, démonter une grosse opération de désinformation ou mettre à jour les véritables motifs qui sont derrière une décision majeure prise par une puissance, un pays, un organisme ou un groupe d’individus influents dont les explications ne sont pas celles qui sont mises en avant.
L’assassin présumé de l’influenceur conservateur américain Charlie Kirk, Tyler Robinson (22 ans), comparaissait mardi 16 septembre, pour la première fois, après avoir été formellement inculpé pour meurtre aggravé par les autorités de l’Utah, qui ont requis contre lui la peine capitale. Si certains en Occident comme au Maghreb découvrent l’existence d’un terrorisme « woke », ce dernier est pourtant désormais bien ancré aux USA et ailleurs.
Les images d’effluves de sang giclant de la nuque de Charlie Kirk devant des milliers d’étudiants marqueront à jamais les générations à venir.
Un récent rapport de l’Europol sur les menaces terroriste émergentes révèle que sur 58 attaques terroristes recensées en 2024 dans 14 pays de l’Union européenne, toutes idéologies confondues, la proportion des attentats d’extrême gauche et anarchistes « antifa » est de 10 attentats réalisés sur 21 attentats signalés et / ou déjoués, principalement en Italie, en Espagne et en Grèce, contre 5 attentats signalés pour un attentat réalisé en 2024 relevant de l’extrême droite, hormis les attentats djihadistes.
Premier enseignement, ces chiffres mettent en avant l’inquiétude des États membres face à l’utilisation des nouvelles technologies, mais surtout le rajeunissement des suspects qui explique en partie leur utopisme: près d’un tiers des suspects ont en effet moins de 20 ans. Aux Etats-Unis, pays généralement pionnier des nouvelles tendances idéologiques avant leur exportation aux campus du reste du monde (si l’on exclue le mouvement inverse de mai 68), cette radicalisation de l’ultragauche présente une particularité : elle s’articule ces dernières années autour des identités dites de « genre » et de défense des minorités pensées comme « intersectionnelles » avec les autres préoccupations sociales et sociétales de la gauche. De l’égalitarisme, nous sommes ainsi passés à une doctrine de l’indifférenciation entre les sexes.
Robinson, un profil qui dérange
Tyler Robinson, 22 ans, a donc été inculpé du meurtre avec préméditation de l’influenceur conservateur Charlie Kirk par le procureur du comté de l’Utah, Jeffrey Gray. Ce dernier a annoncé lors d’une conférence de presse à Provo (Utah) qu’il requerrait la peine capitale. « Je ne prends pas cette décision à la légère et c’est une décision que j’ai prise de manière indépendante en tant que procureur du comté, en me fondant uniquement sur les preuves disponibles, les circonstances et la nature du crime », a précisé Gray.
L’acte d’accusation ajoute toute une série de chefs d’inculpation supplémentaires : tir avec arme, entrave à la justice, subornation de témoin et violence commise en présence d’enfants. Il livre un récit accablant pour le suspect – preuves matérielles, traces d’ADN, aveux à des proches sur le réseau pour gamers Discord, etc. L’acte d’accusation de dix pages comporte trois parties. D’abord, les preuves recueillies sur la scène du crime. Le suspect a été filmé, mercredi 10 septembre, en arrivant sur le campus, boitant car il avait manifestement dissimulé son arme, avant de monter sur le toit d’un bâtiment, puis d’en descendre après son forfait.
Figure de la droite « alt-right » américaine âgée de 31 ans, Charlie Kirk utilisait ses millions d’abonnés sur les réseaux sociaux et ses interventions dans les universités pour défendre Donald Trump et diffuser ses idées nationalistes, chrétiennes et traditionalistes sur la famille auprès de la jeunesse. Il aimait en outre poser la question élémentaire « What is a woman? » à ses interlocuteurs incapables de répondre, étant dans le déni de toute réalité biologique : « Une femme c’est quelqu’un qui s’identifie comme femme« , se contentent-ils de répondre selon un schéma du raisonnement circulaire.
Robinson a justifié son acte auprès de ses proches par la « haine » véhiculée, selon lui, par Charlie Kirk, a souligné le procureur. « J’en ai assez de cette haine. Il y a une haine avec laquelle on ne peut pas faire de compromis », a-t-il également écrit dans un message à la personne avec qui il vivait, a ajouté le procureur. L’accusé vivait une relation amoureuse avec ce colocataire, une personne « biologiquement masculine qui était en train de changer de genre », a précisé la même source.
Une nation embourbée dans une violence politique décomplexée
Peu à peu, la personnalité de Tyler Robinson se dessine, et avec elle la personnalité de cet amant au centre de l’enquête qui se montre « extrêmement coopératif », selon les enquêteurs qui ont d’abord voulu préserver son anonymat. « Il est clair que le colocataire de Robinson savait beaucoup de choses et n’a rien dit après le meurtre. Il s’agit donc officiellement d’une “personne d’intérêt” et elle coopère », a expliqué l’un d’eux. D’après la propre mère de Robinson, son fils était devenu « politisé » ces derniers temps et affichait ses positions de défense radicale des droits transgenres aux diners de famille.
Le 27 août 2025, dans une église de Minneapolis (Minnesota, nord des Etats-Unis) une alerte idéologique du même type était passée relativement inaperçue, présentée comme un acte isolé, ayant fait deux morts, des enfants, et 17 blessés. Les enquêteurs ont identifié l’autrice de l’attaque comme Robin Westman, une femme transgenre de 23 ans, qui avait fréquenté l’école comme élève.
Le 4 décembre 2024, Brian Thompson, PDG de la compagnie d’assurance santé United Healthcare, est abattu en pleine rue, devant un hôtel à Manhattan. Une scène glaçante capturée par des caméras de surveillance. Le tireur, Luigi Nicholas Mangione, 26 ans, encapuchonné, utilise une arme équipée d’un silencieux. De la même façon que de nombreux internautes se sont réjouis de la mort de Charlie Kirk, de nombreux sympathisants de gauche font des blagues en comparant les remboursements des soins refusés par l’assurance au fait que le CEO ne pourra pas être remboursé.
Le 13 juillet 2024, Donald Trump, alors candidat du Parti républicain, en campagne pour l’élection présidentielle de novembre suivant, fut la cible de huit coups de feu, dont un le blesse à l’oreille droite. Au moment de cet attentat, Trump est le candidat républicain pressenti, après qu’il a gagné les primaires de ce parti. Une personne de l’assistance est tuée par une des balles, juste avant que le tireur, allongé sur un toit à moins de 150 mètres, même modus operandi, soit abattu par un des deux snipers surveillant le site. Outre l’ancien président Donald Trump, deux participants sont blessés dont un mortellement. L’auteur des tirs est rapidement identifié comme Thomas Matthew Crooks, âgé de 20 ans et originaire de Pennsylvanie. Le FBI est chargé de l’enquête, sous les deux chefs d’accusation de tentative d’assassinat et de terrorisme intérieur.
Mais au-delà de la bipolarisation rampante du pays au bord d’un nouveau maccarthysme, le meurtre en plein débat d’idées de Charlie Kirk est celui qui secoue le plus symboliquement les Etats-Unis, touchés dans le premier amendement de la Constitution américaine qui garantit les libertés fondamentales de religion, la liberté d’expression et la liberté de la presse.
Phénomène largement incompris outre-Atlantique
La déontologie de la presse occidentale et des milieux universitaires occidentaux est également mise à l’épreuve face à l’identité de ces tueurs d’un nouveau genre qui mettent à mal la doxa dite de la bien-pensance, pour qui il est difficile de concevoir que le « camp du Bien » puisse se rendre coupable d’une telle violence, alors même que la « cancel culture » qui a pour but la mise à mort sociale et médiatique de tout adversaire politique généralement de droite, pouvait laisser présager de cette évolution. Un basculement vers une violence plus tangible et littéralement sanguinaire, où le masculinisme et l’extrême droite n’ont plus l’apanage de la violence armée.
A l’aune de ce malaise, les élites universitaires tout comme la presse y compris française sont accusées de minimiser la dimension politique de l’assassinat de Charlie Kirk qui va à l’encontre des narratifs des agendas progressistes dominants.
Dans le Maghreb et le monde arabe, la centralité du conflit israélo-palestinien tend également à nuire à une lecture objective de ces faits à l’abri de tout complotisme. Deux comportements y sont notables : bien qu’étant un tournant majeur dans l’Histoire récente aux Etats-Unis et au-delà, l’incident de la Utah Valley est soit invisibilisé et ignoré, soit lu à travers l’unique prisme de l’implication des services israéliens présentée comme une quasi-certitude, Kirk ayant évolué ces derniers mois d’une défense inconditionnelle du sionisme à une posture plus réservée quant aux lobbies AIPAC et aux aides américaines à Israël.
En mars 2025, la journaliste Bouchra El Azhari s’étonnait à juste titre du fait que « si le sujet du wokisme, cette tyrannie des minorités, cristallise les tensions entre élites progressistes et conservatrices occidentales, il est en revanche quasi absent (du moins en apparence) des débats dans les pays arabes ».
Au moment où la guerre des pro et anti woke fait rage sur les campus des Etats-Unis, où l’injonction à l’utilisation des « pronoms » et à « l’écriture inclusive » (interdite par l’Académie et l’administration françaises) se normalise peu à peu au Maghreb, et où les Masters en études de genre se généralisent et sont vus d’un bon œil dans les universités arabes, le concept même de wokisme demeure en grande partie méconnu, angle mort de la pensée critique, et peu expliqué au sein de nos opinions publiques, encore moins ses dérives.
Le terme « post-vérité » (post-truth en anglais) désigne une situation ou un contexte politique, social ou médiatique dans lequel les faits objectifs ont moins d’influence sur l’opinion publique que les appels à l’émotion ou aux convictions personnelles. En d’autres termes, ce qui compte n’est plus tant la vérité factuelle que le récit qui conforte les croyances d’un groupe. Les émotions (peur, colère, espoir, identité, appartenance) deviennent plus puissantes que les données vérifiées. Les réseaux sociaux et les bulles d’information renforcent ce phénomène en diffusant des contenus viraux, parfois mensongers, qui semblent « vrais » parce qu’ils sont partagés par des proches ou des pairs.
Or, difficile dans ces conditions de se convaincre que le mouvement woke, qui partait d’un bon sentiment de justice sociale, antisexiste, antiraciste et pro-immigrationniste, puisse engendrer à son tour une quelconque violence. Si bien que celle-ci, même lorsqu’elle est admise, est tacitement tolérée voire encouragée au nom du concept marxiste de violence révolutionnaire.
>> Lire aussi : Fact checking, stop alternate facts et transversal truths
