Yassine Bouzrou : « Tous les éléments constitutifs d’un acte terroriste sont réunis »

 Yassine Bouzrou : « Tous les éléments constitutifs d’un acte terroriste sont réunis »

Maître Yassine Bouzrou (D) – Crédit photo : Alain JOCARD / AFP

Près de deux mois après le meurtre d’Aboubakar Cissé, 22 ans, poignardé à mort alors qu’il priait dans une mosquée de La Grand-Combe (Gard) le 25 avril dernier, son agresseur — diagnostiqué schizophrène et déclaré pénalement irresponsable — est sorti de prison. Yassine Bouzrou, avocat de la famille, dénonce un « naufrage judiciaire » et conteste fermement les conclusions de l’expertise psychiatrique.

 

Sur quels éléments vous fondez-vous pour remettre en cause le diagnostic de schizophrénie établi dans ce dossier ?

Cette expertise psychiatrique est une imposture. Elle repose uniquement sur les déclarations de l’auteur, sans la moindre confrontation à des hétéro-anamnèses (antécédents médicaux, ndlr) concordantes, sans évaluation croisée, sans fondement étiologique sérieux. Elle conclut à une abolition du discernement alors même que l’intéressé a préparé sa fuite, quitté le territoire. Autant de faits qui démontrent, au contraire, une pleine lucidité.

La justice ne peut pas se contenter d’une expertise aussi partielle et complaisante pour exonérer un homme ayant commis un crime d’une extrême barbarie. C’est un naufrage judiciaire.

Vous déplorez que le parquet antiterroriste ne se soit pas saisi de cette affaire. Pourquoi, selon vous, cela n’a-t-il pas été le cas ?

Le traitement judiciaire de cette affaire est scandaleux. Tous les éléments constitutifs d’un acte terroriste sont réunis : l’endroit — un lieu de culte ; la méthode — une cinquantaine de coups de couteau à longue lame de type baïonnette, portés à divers endroits du corps de la victime ; la revendication filmée et les images de la victime à l’agonie diffusées sur les réseaux sociaux, en vue de terroriser les musulmans pratiquants. L’auteur y déclare vouloir faire d’autres victimes. Dans n’importe quel État de droit, la question de savoir s’il s’agit d’un attentat ne se serait même pas posée.

La décision d’écarter le caractère terroriste reflète l’idée nauséabonde que la communauté musulmane ne peut pas être victime du terrorisme. Le code pénal ne distingue pourtant pas les actes terroristes en fonction de l’idéologie qui les fonde, ni de la religion de la victime ou de l’assaillant.

Quel recours envisagez-vous ?

Tous les moyens de droit seront mis en œuvre afin de contraindre l’autorité judiciaire à respecter la loi. Une contre-expertise psychiatrique sera demandée au juge, qui devra désigner des experts sérieux, compétents et réputés. Nous demanderons également la radiation immédiate de ce médecin de la liste des experts judiciaires.

Nous ne sommes pas seulement en présence d’une erreur judiciaire, mais d’une insulte aux victimes et d’une menace pour l’État de droit.