Tunisie. Décès de l’artiste Fadhel Jaziri

 Tunisie. Décès de l’artiste Fadhel Jaziri

Le monde artistique et culturel a perdu en ce 11 août Fadhel Jaziri, grand artiste engagé dans la défense du patrimoine tunisien, acteur et réalisateur, décédé après une longue lutte contre la maladie, à l’âge de 77 ans.

Considéré comme « ésotérique » et « sulfureux », le spectacle d’El Nouba fut pendant de longues années censuré des chaînes de TV nationales

Avec sa disparition, la Tunisie perd l’un de ses plus éminents créateurs dans les domaines du théâtre, de la musique et du cinéma. Le défunt était reconnu pour sa créativité exceptionnelle et sa polyvalence artistique de chorégraphe ayant mis les plus grands spectacles de l’histoire récente du pays célébrant l’identité tunisienne.

Personnalité charismatique se faisant rare dans les médias, Fadhel Jaziri laisse derrière lui un héritage artistique précieux, fruit de plus de quatre décennies d’engagement dans la scène culturelle tunisienne. Il a notamment interprété des rôles dans plusieurs films et en a réalisé de nombreux, parmi lesquels Thalathoun (« Trente ») et Khosouf (« Éclipse »).

 

Père de la Nouba et de la Hadra réinventées

Son nom reste gravé dans la mémoire du public grâce à de nombreux spectacles musicaux marquants, notamment « Nouba » dès 1991, qui a réuni des centaines de voix exceptionnelles, ainsi que « El Hadra », présenté dans plusieurs versions au fil des années, et plus récemment « El Mahfel », qui a inauguré le Festival international de Carthage durant l’été 2023. Parmi ses dernières créations figure « Granti El Aziza », présenté hier soir dans le cadre de la 59ᵉ édition du Festival international de Hammamet, un spectacle ayant rencontré un grand succès populaire. Plusieurs feuilletons tunisiens contemporains continuer de perpétuer son legs.

Jaziri naît au sein d’une famille de la petite bourgeoisie de la médina de Tunis connue dans la fabrication des chéchias ; son père est un libraire connu à Bab Souika et gérant du café Ramsès et de l’hôtel Zitouna, lieux de rencontre d’hommes politiques, d’écrivains, d’hommes de théâtre et de musiciens. Ce cadre permet au jeune Jaziri de développer sa passion pour la culture et le théâtre. Il effectue ses études secondaires au Collège Sadiki, où il fait partie d’une troupe théâtrale scolaire comprenant notamment le futur ministre de la culture Abderraouf El Basti et l’acteur Raouf Ben Amor. Sous la direction de Mohsen Ben Abdallah, Fadhel Jaziri a le privilège d’être l’un des élèves de Zoubeir Turki en dessin et Ahmed Larbi en langue arabe.

Déjà élève, il participe aux manifestations de 1968 et aux grèves estudiantines à la faculté des lettres et des sciences humaines de Tunis, où il prend la parole dans l’un des amphithéâtres pour exprimer son soutien comme représentant du comité des élèves. En 1969, il intègre la faculté en section de philosophie mais se voit renvoyé rapidement en raison de ses prises de position.

Ses premières activités théâtrales commencent à la Maison de la culture Ibn-Khaldoun où il participe en tant que figurant à la pièce Mourad III d’Aly Ben Ayed et Habib Boularès. Il bénéficie par la suite d’une bourse d’études à Londres, accompagné par Hédi Guella, Raouf Ben Amor et Ridha Ben Sliman. De retour en Tunisie, il participe en 1972 à la fondation du Théâtre du Sud de Gafsa, avec Fadhel Jaïbi, Jalila Baccar, Raja Farhat et Mohamed Driss, qui réalise la pièce Jha wal charq al Hair. En 1976, il fonde avec Fadhel Jaïbi et Habib Masrouki le Nouveau Théâtre de Tunis et produisent La Noce, Ghassalet Ennouader, Arab et El Karita, avec une troupe théâtrale amateur comprenant Lamine Nahdi, Kamel Touati, Abdelhamid Guayas et Tawfik Bahri.

Au cinéma, Jaziri joue en 1973 dans Sejnane d’Abdellatif Ben Ammar, en 1976 dans Le Messie de Roberto Rossellini et en 1982 dans Traversées de Mahmoud Ben Mahmoud. En 2006, Fadhel Jaziri est décoré des insignes de commandeur de l’Ordre du mérite culturel tunisien.

Bourguibiste et brièvement engagé en politique après la révolution, il est membre de la commission économique et sociale de Nidaa Tounes, mais annonce sa démission du parti le 15 janvier 2016, évoquant des raisons personnelles.