Tunisie. Plus de 55 millions de dinars en frais de visa Schengen en 2024 : un record

Les Tunisiens continuent de payer cher leur désir d’Europe. Ainsi selon les données publiées par le site spécialisé Schengen Visa Info, ce sont pas moins de 177 951 demandes de visa Schengen ont été déposées en 2024 par des ressortissants tunisiens, un chiffre en hausse de 11,4 % par rapport à l’année précédente.
Conséquence directe de cette ruée vers les consulats européens pour les études, le travail ou le tourisme : cela a représenté une dépense considérable de plus de 16 millions d’euros, soit près de 55 millions de dinars tunisiens, uniquement en frais de dossiers. Une somme d’autant plus lourde à supporter que les coûts de la procédure ont grimpé en juin 2024, avec le passage du tarif de 80 à 90 euros (de 273 à 307 dinars dans un pays où le SMIG est à 448 dinars), et que ces frais sont non remboursables en cas de rejet de la requête. Ce qui en fait un business lucratif pour les intermédiaires privés.
Or, malgré cet investissement, l’accès à l’espace Schengen demeure semé d’embûches. Plus de 38 000 demandes ont en effet été rejetées l’an dernier, soit un taux de refus moyen de 21,39 %, l’équivalent d’une demande sur cinq. Premier enseignement, si ces rejets se traduisent par une perte nette estimée à 3,4 millions d’euros (11,6 millions de dinars) pour les bourses des candidats déçus, le fait que moins du quart des demandes soient refusés contredit les statistiques plus pessimistes dans l’imaginaire collectif local.

La France en tête, malgré les exigences d’octroi
Sans réelle surprise, la France reste la première destination favorite des Tunisiens, avec 106 617 dossiers déposés, soit environ 60 % du total. Mais elle enregistre également le plus grand nombre de refus : près de 20 000 dossiers rejetés, ce qui représente un cinquième des demandes.
De manière plus inattendue toutefois, la Grèce s’est illustrée par une fermeté exceptionnelle, rejetant plus de la moitié des demandes tunisiennes (53,78 %), faisant écho selon des analystes aux suspicions du circuit Grèce – Serbie pour la migration clandestine. À l’inverse, l’Allemagne a adopté une politique bien plus souple, acceptant plus de 84 % des quelque 85 000 dossiers examinés, confirmant sa réputation de partenaire économique et académique privilégié.
Inégalités persistantes
Les destinations les plus sollicitées restent néanmoins les pays européens historiquement liés à la Tunisie, par la langue, l’histoire ou encore l’économie : le trio France, Italie, Allemagne, suivis par l’Espagne. À l’autre bout du spectre, certains États membres comme la Roumanie ou la Slovaquie n’ont reçu que quelques centaines de demandes, reflétant un déséquilibre flagrant dans les flux touristiques et migratoires.
Comparé à 2023, où le taux de refus atteignait 24,35 %, une légère amélioration est donc enregistrée. Mais le niveau demeure élevé si on le compare à d’autres pays africains, ce qui alimente un sentiment croissant de frustration parmi les demandeurs tunisiens, y compris parmi les professions libérales.
Des appels à davantage de transparence
Face à ces chiffres, plusieurs experts et ONG appellent les pays de l’espace Schengen à plus de clarté sur les critères précis de refus. Ils plaident également pour un accompagnement administratif renforcé afin d’aider les candidats à constituer des dossiers plus solides, et ainsi réduire le coût humain et financier des rejets.
En attendant une éventuelle réforme, les Tunisiens continueront de voir dans le visa Schengen une porte d’entrée aussi coûteuse qu’incertaine vers l’Europe, symbole d’opportunités mais aussi d’inégalités de traitement.
