Tunisie. Des heurts violents opposent pro boycott et personnel de l’hypermarché Carrefour

Des affrontements ont éclaté ce weekend au sein de l’hypermarché Carrefour de La Marsa, en banlieue de Tunis, entre militants pro-palestiniens anti Carrefour, partisans du boycott de l’enseigne, et les agents de sécurité du point de vente. Bilan, plusieurs blessés.

Selon les témoignages sur place et les streams vidéo diffusés samedi 30 août, des militants ont tenté de bloquer l’accès au magasin ou d’y mener une opération de protestation, ce qui a provoqué l’intervention du personnel de sécurité pour rétablir l’ordre. Le magasin a par la suite réagi par un communiqué dénonçant ces actes comme des « dérives » qui dépassent le cadre de la manifestation pacifique, portant atteinte à la loi et provoquant des perturbations pour les clients et les employés.

Ce n’est pas la première fois depuis les évènements du 7 octobre 2023 à Gaza que des opérations de ce type sont organisées par la coordination pro palestinienne dans divers gouvernorats en Tunisie, comme à Sousse hier où des manifestants ont appelé à l’abolition de la franchise :

En mai 2025, Carrefour Tunisie avait déjà rappelé via un communiqué son soutien ferme à la cause palestinienne — une position qu’elle dit partagée par la grande majorité des Tunisiens — tout en condamnant « l’usage de cette cause comme prétexte pour commettre des actions violentes, des insultes ou des blocages d’accès ». Pacifiques, ces mouvements donnent lieu parfois à des débordements.

Mais cette fois dans son plus grand établissement du pays, à l’heure du pic d’affluence à l’approche des fêtes du Mouled, les choses ont rapidement dégénéré : « Visiblement à cran, des vigiles de sécurité dont certains n’étaient pas identifiables à leur uniforme, ont formé un cordon qui n’a pas suffit à contenir certains très jeunes individus venus en nombre. En un clin d’œil, ce fut l’escalade, des sièges de l’aire de restauration ont volé dans toutes les directions, faisant au moins trois blessés ensanglatés transportés aux urgences, tandis que plusieurs agents de sécurité ont été arrêté par les forces de l’ordre », rapporte un témoin.

Qu’en est-il du statut d’autonomie de la franchise tunisienne ?

L’enseigne Carrefour Tunisie n’est pas une filiale directe du groupe français Carrefour. Elle appartient au Groupe tunisien UTIC (Ulysse Trading and Industrial Companies), souvent appelé groupe Chaïbi du nom de la famille qui le dirige, et fonctionne de manière autonome, en indépendance relative du groupe international.

Toutefois ce modèle relève bien de la franchise, ce qui implique que Carrefour Tunisie opère sous licence de la marque mondiale Carrefour, mais avec une large latitude dans ses décisions opérationnelles et commerciales. Le groupe UTIC qui détient donc la direction locale effective, emploie environ 5 000 collaborateurs, et privilégie les fournisseurs tunisiens dans ses approvisionnements.

« Personne ne peut obliger un autre citoyen à adhérer à ses idées et encore moins le traiter de traître quand il n’est pas d’accord avec ses orientations », a réagi l’universitaire Rim Kalaï-Jemai :

Galvanisés par la fermeture de l’enseigne en Italie

Le groupe français Carrefour avait annoncé la semaine écoulée son retrait du marché italien, marquant la fin de sa présence dans le pays après deux décennies d’activité. Cette décision fait suite à une baisse substantielle des ventes, accentuée par la forte concurrence dans le secteur de la grande distribution low cost. Carrefour a conclu un accord avec le groupe italien New Princes pour la cession de l’intégralité de ses activités en Italie, comprenant 1 188 points de vente, pour un montant estimé à environ 1 milliard d’euros.

Si certains évoquent l’impact de campagnes de boycott ayant affecté l’image de l’enseigne et citent cela en exemple de l’efficacité des actions de boycott, Carrefour n’a pas officiellement lié sa décision à ces actions. Le groupe indique que ce retrait s’inscrit dans sa stratégie globale de rationalisation, visant à concentrer ses efforts sur des marchés plus rentables et à renforcer sa présence dans des pays clés.

>> Lire aussi : Des ONG françaises dénoncent « les liaisons dangereuses de Carrefour avec la colonisation israélienne »