« Des sanctions doivent être prises contre Israël » : Adel Ziane, sénateur socialiste, de retour de Palestine

 « Des sanctions doivent être prises contre Israël » : Adel Ziane, sénateur socialiste, de retour de Palestine

Adel Ziane, sénateur socialiste de Seine-Saint-Denis depuis 2023 et conseiller municipal à Saint-Ouen. Crédit photo : Mathieu Delmestre

Ce mardi (16 septembre), au Sénat, avait lieu la restitution du déplacement effectué du 8 au 12 septembre en Israël et en Cisjordanie occupée par une délégation du groupe interparlementaire d’amitié France-Palestine. Conduite par la sénatrice socialiste Gisèle Jourda, cette mission a conduit plusieurs parlementaires français à Jérusalem, Ramallah et Bethléem, dans un contexte international marqué par la prochaine réunion de l’Assemblée générale des Nations unies le 22 septembre prochain et la question de la reconnaissance de l’État de Palestine.

À cette occasion, nous avons rencontré Adel Ziane, sénateur socialiste de Seine-Saint-Denis et membre de la délégation, pour revenir avec lui sur ce voyage. Quinze ans après son dernier déplacement dans la région, il livre un témoignage marqué par l’émotion et l’inquiétude, mais aussi par un appel à l’action diplomatique de la France et de l’Europe.

LCDL : Vous revenez d’un voyage en Israël et en Cisjordanie occupée. Qu’en retenez-vous principalement ?

Adel Ziane : Cela faisait quinze ans que je n’étais pas retourné dans la région. Dans le passé, j’y avais effectué sept ou huit déplacements professionnels, lorsque je travaillais au ministère des Affaires étrangères, au sein de la direction Afrique-Moyen-Orient, sur le processus de paix. C’est un sujet qui m’a toujours tenu à cœur.
Y revenir aujourd’hui, en tant que sénateur et membre du groupe d’amitié France-Palestine, a été très fort sur le plan émotionnel. Mais aussi très préoccupant : la situation s’est nettement dégradée, notamment côté palestinien. D’un point de vue économique, politique, sur la liberté de circulation, mais aussi sur les services publics essentiels.

Nous sommes allés à Ramallah, à Bethléem, à Jérusalem. Nous avons vu des difficultés énormes dans le domaine de la santé et de l’éducation. L’Autorité palestinienne est exsangue financièrement : selon le protocole de Paris, c’est Israël qui collecte et doit reverser les recettes fiscales palestiniennes. Or aujourd’hui, près de 2,5 milliards de dollars sont bloqués par Israël.

C’est colossal : ces sommes représentent quasiment tout le budget de l’Autorité palestinienne. Elles servent normalement à financer les écoles, les hôpitaux, les fonctionnaires.
Un exemple très concret : la rentrée scolaire a été retardée de plusieurs semaines, et aujourd’hui les enseignants ne peuvent assurer que trois jours d’école par semaine, faute d’être payés.

C’est donc une dégradation par rapport à vos souvenirs d’il y a quinze ans ?

Oui, incontestablement. Déjà en 2010, on voyait les blocages, et Netanyahou était déjà au pouvoir. À titre personnel, je n’ai jamais cru à une volonté réelle de sa part de permettre l’émergence d’un État palestinien. Mais il existait encore des perspectives : des efforts avaient été faits par le passé, des dirigeants israéliens avaient envisagé des compromis, et côté américain, on avait connu des présidents comme Bill Clinton qui portaient une véritable ambition de paix.

Aujourd’hui, la configuration a radicalement changé : Netanyahou est toujours là, mais à la tête d’un gouvernement encore plus dur, composé de colons ou de soutiens de la colonisation, et avec un appui extérieur de Donald Trump et de ses alliés évangéliques qui refusent toute idée d’État palestinien.

La conséquence, c’est l’accélération de la colonisation et, aujourd’hui, une offensive à Gaza qui ressemble à une destruction totale, avec à terme la volonté affichée par certains responsables politiques israéliens de pousser la population à quitter Gaza. On parle ici de génocide, d’épuration ethnique, de déportation. La communauté internationale ne peut pas l’accepter.

Comment s’est passé votre accueil sur place, côté palestinien et côté israélien ?

Nous avions trois grands axes dans ce déplacement : rappeler notre attachement à la solution à deux États, observer l’évolution de la colonisation, et rencontrer la société civile.
En Cisjordanie, nous avons rencontré le Premier ministre palestinien, des élus locaux à Bethléem, ainsi que des représentants religieux, notamment des communautés chrétiennes comme les Syriaques orthodoxes.

L’accueil a été extrêmement chaleureux. Ils nous ont demandé de témoigner de la situation, d’aider à relancer le tourisme religieux, vital pour leur économie, et surtout de favoriser la création de partenariats avec des collectivités françaises. Ils nous ont dit : “Ne nous laissez pas isolés, aidez-nous à monter des projets concrets.”


Du côté israélien, j’ai souhaité rencontrer des représentants de la société civile, des intellectuels, des artistes. Nous avons vu beaucoup de jeunes militants mobilisés contre la politique de Netanyahou, mais aussi des personnalités désabusées, tristes, qui ne se reconnaissent pas dans l’orientation actuelle.

Ce qui m’a frappé, c’est la fracture grandissante dans la société israélienne : entre ceux qui défendent un État laïc où la religion reste séparée du pouvoir, et ceux qui portent une vision religieuse d’un Grand Israël niant les droits des Palestiniens.

>> A lire aussi : De retour de Palestine, des sénateurs français tirent la sonnette d’alarme

Vous parlez de “deux poids, deux mesures” dans la réaction de la communauté internationale. Que voulez-vous dire ?

C’est très clair : lorsque la Russie a envahi l’Ukraine, l’Union européenne et la communauté internationale ont réagi très vite avec des sanctions massives. Mais face aux violations du droit international par Israël, rien de comparable n’a été fait. Cela crée un sentiment de deux poids, deux mesures, qui affaiblit la France et l’Europe. Si nous voulons rester crédibles en matière de droit international, il faut être cohérents.

Êtes-vous favorable à des sanctions contre Israël, comme cela avait été le cas contre l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid ?

Oui, des sanctions doivent être prises contre Israël. Mais des sanctions ciblées. Je pense qu’il faut maintenir la coopération culturelle, scientifique et universitaire, parce que c’est dans ces milieux que se trouvent les voix critiques les plus fortes en Israël, celles qui peuvent peser contre la politique actuelle. Rompre tout dialogue avec ces acteurs serait une erreur.

En revanche, sur le plan économique et politique, il faut des mesures fermes : sanctionner les produits issus des colonies, qui sont exportés comme si de rien n’était, interdire de circulation certains responsables politiques israéliens, et engager des procédures internationales. D’ailleurs, un rapport de l’ONU vient de qualifier la situation à Gaza de génocide, en se basant notamment sur les propos de ministres israéliens. Cela doit avoir des conséquences concrètes.

La couverture médiatique de ce conflit est-elle satisfaisante ?

Non, loin de là. Plus de 200 journalistes ont été tués depuis le début de l’offensive. C’est dramatique. Du coup, l’information disponible vient majoritairement des communiqués du Hamas ou du gouvernement israélien, ce qui n’est pas satisfaisant. On dépend aussi beaucoup des ONG humanitaires et des réseaux sociaux. Mais le travail indépendant, de terrain, est quasiment impossible. Les journalistes qui essaient de faire leur métier sont pris pour cibles. C’est inédit et extrêmement inquiétant.

En conclusion, quel rôle la France doit-elle jouer ?

La France a toujours eu une voix forte parce qu’elle portait le droit international. Elle doit continuer à le faire. Cela veut dire soutenir la société civile, encourager les partenariats locaux, mais aussi appliquer des sanctions quand le droit est violé.
Je le redis : ce conflit est aussi né de décisions de la communauté internationale. Nous avons donc une responsabilité particulière pour participer à sa résolution. On ne peut pas rester spectateurs.