Musique soufie de Fès : Sacrée présentation

Nouredine Thahiri (C), né à Fès, chanteur de musique soufie et arabo-andalouse.
Le Festival de Fès de la culture soufie et des sagesses du monde revient avec un passionnant rendez-vous consacré aux chants, danses et musiques des traditions soufies, avec des concerts artistiques inédits. Au cœur de lieux mythiques de la capitale spirituelle du royaume, les mélomanes et autres passionnés auront également le choix de faire des rencontres avec des spécialistes de cultures et de croyances différentes. Histoire de favoriser la connaissance de l’autre à travers l’écoute de cultures d’horizons différents et de pénétrer dans des spiritualités qu’ils n’ont pas l’habitude de fréquenter.

Du 18 au 25 octobre, la ville de Fès vibrera aux sons des instruments de musique et des chants soufis déclamés avec passion dans le cadre du fameux Festival de Fès de la culture soufie et des sagesses du monde. Pour sa 17ᵉ édition, ce rendez-vous a décidé de « Vivre poétiquement, à travers interactions entre art et spiritualité ».
Parmi les temps forts de ces Rencontres consacrées « aux arts et à la spiritualité », la soirée d’ouverture à l’intitulé chargé de symboles, « Hadra » — qu’on peut, à défaut de mieux, traduire par « Présence » — rassemble des artistes : Nouhaila El Kalai (Maroc), Noureddine Tahiri (Maroc) et Curro Piñana (Murcie/Espagne), qui savent très bien que la « hadra » est une expérience qui se vit de l’intérieur.

Ce terme central dans les pratiques soufies désigne une quête spirituelle qui répond à des rituels que beaucoup ne comprennent pas, même si les danses des derviches tourneurs de Rûmî évoquent beaucoup de choses pour bon nombre de personnes.
La hadra est avant tout une expérience personnelle qui invite au lâcher-prise, pour ensuite initier ce qui s’apparente à une méditation en mouvement et, au meilleur des cas, se connecter à l’absolu. C’est pour cela qu’on n’a pas trouvé d’autre mot plus approprié pour traduire ce terme que « présence ».
« Une forte présence » qu’on ne manquera pas de ressentir également à l’écoute de la chorale de la Tariqa Charqawiya (Maroc), qui se produira sur la mythique scène de Bâb Al Makina avec la participation du groupe de Qawwali Anwar Sabri Brothers (Inde).

Pour ceux qui ne le savent pas encore, la zaouïa Cherqawiya est une des plus grandes confréries soufies du royaume, fondée en hommage au grand cheikh Sidi Bouabid Echarqi, dans la deuxième moitié du XVIᵉ siècle de notre ère, en même temps que la ville sainte de Bejaad.

Non content de proposer plusieurs répertoires instrumentaux éclectiques, le Festval se met au défi d’offrir aussi une parenthèse unique mêlant réflexion intérieure et compréhension du patrimoine sacré à travers plusieurs conférences, telles que celle du 18 octobre, qui sera consacrée à ces trois mystiques dans le miroir de l’âme que sont Abû Hâmid al-Ghazâlî, Nizâmî et Rûmî.
Ou encore, le lendemain, la table ronde sur « La beauté comme pont entre visible et invisible : esthétique soufie et art sacré ». Une rencontre censée explorer la manière dont la tradition soufie conçoit la beauté comme voie d’accès au mystère spirituel, en mettant en lumière notamment le rôle de l’art sacré — poésie, musique, architecture ou calligraphie — comme médiation entre le monde sensible et la dimension transcendante, révélant comment l’esthétique devient un langage du sacré et un chemin d’élévation intérieure.
Comme le dit si bien le président du Festival, Faouzi Skalli, lui aussi profondément ancré dans la pratique soufie : « Chez les Grecs, le mot poeisis renvoie à une inspiration créative qui donne forme à l’invisible, que ce soit dans l’art, la pensée ou la vie. Dans le soufisme, le mot tajalli est l’acte par lequel quelque chose de caché se dévoile pour se manifester à la conscience, à la vision intérieure. De vision intérieure, cette manifestation devient art, pensée, mode de vie et, dans tous les cas, poésie. »

Mais Fès en Scènes, c’est aussi une invitation à découvrir la capitale spirituelle du royaume, la ville aux dizaines de saints, que l’on peut parcourir à travers les ruelles pavées de la vieille médina, ses placettes animées et ses édifices sacrés chargés d’histoire. Ici, chaque recoin raconte une histoire, chaque soir est une fête pour qui sait parler aux murailles, pour qui ressent le passage des âmes à travers ces immenses portails qui donnent accès à la médina.
>> Programme du Festival de Fès de la culture soufie et des sagesses du monde

