Gaza : la paix comme seule issue humaine

 Gaza : la paix comme seule issue humaine

Iman Hajji, docteure en linguistique, littérature et civilisation arabe à l’Université Lyon 2

Depuis deux ans, Gaza s’est transformée en cauchemar à ciel ouvert. Avant même la guerre actuelle, ses habitants vivaient sous un blocus asphyxiant, imposé depuis 17 ans, privés de mobilité, d’eau potable, d’électricité régulière, d’espoir. L’économie était à genoux, les jeunes sans perspectives, les hôpitaux à bout de souffle. Puis, à partir d’octobre 2023, tout a basculé dans l’indicible : des bombardements massifs et répétés, des centaines de milliers de déplacés, la famine organisée, les camps surpeuplés, les files pour un peu de farine, les enfants amputés sur des tables d’opération sans anesthésie.

Tribune de Iman Hajji, docteure en linguistique, littérature et civilisation arabe à l’Université Lyon 2

Ceux qui parlent de « trêve » ou de « normalisation » évitent souvent de regarder cette réalité en face : Gaza est en ruines. Mais derrière les chiffres, ce sont des vies humaines. Une population prise en étau entre un pouvoir autoritaire et les frappes israéliennes. Un peuple qui, malgré l’épuisement, continue d’exister, de survivre, de revendiquer un droit simple : vivre librement, en sécurité, sur sa terre.

Alors que l’on évoque la possibilité d’un traité de paix entre Israël et le Hamas, la question centrale n’est pas seulement celle des garanties de sécurité ou de désarmement. C’est celle de la justice. De la dignité. Et du droit des Palestiniens à décider de leur avenir.

Un accord sans fondement est une trêve vouée à l’échec

Depuis les attaques du 7 octobre, Israël a été secoué par un choc profond. Le mythe d’un statu quo gérable s’est effondré. L’idée qu’un équilibre fragile — blocus, frappes ponctuelles, dissuasion technologique — pouvait suffire à contenir Gaza s’est révélée fausse. La riposte militaire qui a suivi, sans précédent par son intensité, vise officiellement à éradiquer le Hamas et à garantir que « cela ne se reproduise jamais ».

Mais cette logique de destruction, si elle peut apporter des résultats militaires ponctuels, ne peut fonder une paix durable. Elle ne répond pas aux causes profondes du conflit, et ignore que l’humiliation d’un peuple engendre toujours, tôt ou tard, des formes nouvelles de radicalisation. Aucune solution ne pourra émerger sans reconnaître les droits fondamentaux des Palestiniens — à commencer par ceux de Gaza.

Ce qu’exigerait une paix réelle

  1. Un cessez-le-feu total et immédiat, vérifié par des acteurs internationaux, permettant la fin des hostilités contre les civils et l’entrée massive de l’aide humanitaire.
  2. La libération des otages, combinée à un engagement clair pour la protection des soi- disant “prisonniers” palestiniens, y compris les mineurs détenus sans jugement.
  3. La levée immédiate et complète du blocus imposé à Gaza depuis 17 ans, qui asphyxie la population civile et empêche toute reconstruction viable. Cette levée doit permettre un accès libre à l’eau, à l’électricité, aux soins, à l’éducation, ainsi qu’à la libre circulation des personnes et des biens.
  4. La fin de la colonisation illégale en Cisjordanie, avec un retrait effectif des colons israéliens des terres palestiniennes. Ce processus est un préalable indispensable à toute discussion sérieuse sur l’avenir politique et la création d’un État palestinien viable.
  5. La reconnaissance pleine et entière du droit des Palestiniens à l’autogouvernance, à Gaza comme en Cisjordanie.  Ce droit implique la souveraineté politique, des institutions civiles légitimes, et la fin de toute tutelle ou contrôle militaire.
  6. L’établissement d’un comité d’enquête international, indépendant, chargé de documenter l’ensemble des crimes commis à Gaza depuis octobre 2023. Ce travail doit être rigoureux, impartial, et viser l’identification des responsabilités à tous les niveaux, civils et militaires. Tous les responsables — y compris au sein de l’appareil politique et militaire israélien — devront être traduits en justice, devant les juridictions nationales ou internationales compétentes, sans exception. L’impunité ne peut plus être la règle
  7. Une relance du processus politique, sous l’égide d’acteurs crédibles et impartiaux, avec pour horizon une solution durable fondée sur la justice, l’égalité des droits et la fin de l’occupation.

Ce que la paix ne peut pas être

La paix ne sera jamais une reddition. Elle ne pourra pas être décrétée d’en haut, ni imposée par la force. Elle ne sera ni silencieuse, ni asymétrique. Elle ne pourra reposer sur l’oubli, ni sur l’amnésie imposée.

La paix véritable naît du respect de l’autre, même lorsqu’on le combat. Elle suppose de sortir de la logique de punition collective. De reconnaître les torts. D’admettre qu’on ne peut pas parler de démocratie en niant à un peuple entier le droit de choisir son avenir. Elle suppose aussi de sortir du cynisme diplomatique, où l’on s’indigne par intermittence sans rien faire pour faire cesser l’inacceptable.

Il est encore temps

La guerre a tout ravagé — vies humaines, maisons, écoles, confiance, mémoire. Mais il est encore temps d’empêcher qu’elle n’emporte aussi l’avenir. Il est encore possible d’imaginer un traité qui ne soit pas un compromis cynique entre la force et l’oubli, mais un point de départ, douloureux mais réel, vers une autre configuration politique.

Cela exige du courage. Non pas celui de faire la guerre, mais celui — plus rare — de faire la paix. D’affirmer que le peuple palestinien n’est pas une variable d’ajustement géopolitique, mais un acteur à part entière. Que sa sécurité, sa liberté, sa voix comptent.

Dans l’histoire, certaines guerres sont sans issue. Mais aucune ne doit être sans mémoire. Et aucune ne devrait être sans lendemain.

Il est profondément cynique de voir Donald Trump se présenter en artisan de la « paix », alors que depuis deux ans, plusieurs occasions favorables à la libération des otages ont été délibérément ignorées ou laissées en suspens. Cette prétendue démarche pacificatrice semble davantage relever d’une stratégie politique opportuniste que d’un réel engagement humanitaire. Trump se glorifiant sur la scène internationale, témoigne de l’instrumentalisation cynique de ces situations dramatiques à des fins personnelles et électorales.

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