Mounia Laassiri défie les particules et les frontières

Cette physicienne marocaine explore les secrets de la matière tout en œuvrant pour une science plus inclusive. Lauréate du Prix international UNESCO–Al Fozan 2025, elle scrute les mystères de la matière depuis New York, tout en inspirant la jeunesse africaine à oser les sciences.
Dans le quartier de Salé, où elle grandit, les enfants n’ont pas de jouets déjà fabriqués. Ils inventent, bricolent, expérimentent avec ce qui leur tombe sous la main. C’est peut-être là que Mounia Laassiri, future physicienne nucléaire, développe son goût pour l’ingéniosité.
« Fille aînée d’une famille marocaine, j’étais constamment confrontée aux pressions sociales, mais je souhaitais avoir une vie personnelle épanouie tout en ayant un impact sur la société, comme mentor et universitaire. »
La physique s’impose à elle dès le lycée, comme une passion autant qu’un défi. Soutenue par sa mère, « une femme simple mais volontaire », et encouragée par ses professeurs, elle poursuit des études jusqu’au doctorat à l’Université Mohammed V de Rabat, sous la direction de la professeure Rajaâ Cherkaoui El Moursli, pionnière de la médecine nucléaire au Maroc. Un parcours exigeant, mené avec ténacité malgré les difficultés, qui lui ouvrira les portes des grands labo internationaux.
En 2016, un premier tournant s’opère. Elle est sélectionnée pour participer à la quatrième édition de l’African School of Physics à Kigali, au Rwanda. L’expérience la propulse dans un réseau panafricain de jeunes scientifiques et l’ancre durablement dans une dynamique de coopération et de mentorat. Trois ans plus tard, elle devient la première ancienne de l’ASP invitée à présenter ses travaux lors d’une réunion de l’American Physical Society à Boston.
Après un passage à l’Institut de physique d’Helsinki en 2022, elle rejoint le Brookhaven National Laboratory (BNL) à New York, où elle contribue à la mise à niveau du détecteur ATLAS du CERN (centre européen de recherche nucléaire).

« Les détecteurs comme ATLAS nous permettent d’effectuer des recherches approfondies pour détecter de nouvelles particules et améliorer notre compréhension des dynamiques entre force et matière », explique-t-elle. Avant d’ajouter : « Ces recherches nécessitent des technologies de pointe dont les retombées toucheront la finance, la médecine ou encore l’énergie. Mon travail vise à améliorer la connaissance collective et, par conséquent, la qualité de vie humaine. »
C’est cette même vision humaniste de la science qui lui vaut, en 2025, le Prix international UNESCO–Al Fozan pour la promotion des jeunes scientifiques du monde arabe. Une distinction qui salue à la fois l’excellence de ses recherches et son engagement à rendre la science plus accessible.
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La science pour tous
À Brookhaven, Mounia Laassiri ne se contente pas de repousser les limites de la physique : elle veut aussi ouvrir la voie. Elle organise des portes ouvertes et des ateliers destinés à tous et notamment aux minorités et aux étudiants issus de milieux défavorisés, convaincue que la science doit s’affranchir de toutes les frontières sociales.
« J’aimerais que chaque jeune, quelle que soit son origine, puisse se dire : la science est aussi faite pour moi », confie-t-elle.
Elle s’investit également dans la Conférence africaine sur la physique fondamentale et appliquée (ACP) ainsi que dans l’ASP, tout en siégeant au comité exécutif du Forum international de physique de l’American Physical Society (APS), où elle plaide pour une représentation plus équitable des chercheurs africains et arabes.
Dans un domaine « où il y a peu de femmes, peu d’Arabes et peu d’Africains », Mounia Laassiri avance avec calme et détermination. Elle se souvient d’une rencontre marquante lors d’un atelier en Afrique du Sud, en 2022.
« Une lycéenne m’a dit : “Je ne savais pas qu’une femme peut être physicienne. Je pensais que c’était un métier d’hommes avec des cheveux bizarres.” »
Ce genre d’échange résume tout le sens de son parcours. Aux yeux de cette chercheuse, la réussite n’est jamais individuelle. Elle se revendique de l’Ubuntu, une philosophie africaine qui signifie « Je suis parce que tu es, et tu es parce que je suis. » Une devise à l’image de sa science : exigeante, collective et profondément humaine.
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