Meaux : Amal Bentounsi veut mettre fin à trente ans de règne Copé

 Meaux : Amal Bentounsi veut mettre fin à trente ans de règne Copé

Amal Bentounsi, candidate de La France insoumise aux élections municipales de Meaux en 2026. Photo : DR

Le pot de fer contre le pot de terre : David contre Goliath. Amal Bentounsi assume la comparaison. Figure des quartiers populaires, militante contre les violences policières, la candidate investie par La France insoumise se lance à l’assaut du baron local Jean-François Copé, maire de Meaux depuis trente ans et candidat à un sixième mandat.

Depuis l’annonce de sa candidature, l’édile semble prendre très au sérieux cette mère déterminée de quatre enfants. En témoignent, selon elle, les entraves administratives répétées et le climat de tension qui entoure sa campagne. Rencontre.

Qu’est-ce qui vous a poussée, personnellement et politiquement, à vous lancer dans cette campagne face à un maire en place depuis trente ans ?

Parce que j’y crois. Cela fait trente ans que cette ville fonctionne en vase clos. Meaux n’appartient pas à un clan politique. J’y suis née, je la connais intimement : ses habitants, leurs colères, leurs besoins. Je sais que la montagne est immense, mais quelqu’un devait ouvrir la voie.

Je viens de la précarité, j’ai grandi dans ces quartiers qui subissent les décisions prises d’en haut sans jamais en bénéficier. Je veux que la mairie redevienne un lieu où l’on gouverne avec les habitants, pas contre eux.

Face à ce système que vous critiquez, quel rôle entendez-vous incarner dans le paysage politique local ?

On ne peut pas continuer avec un système figé qui écrase les initiatives et entretient la précarité. Meaux mérite mieux qu’un pouvoir verrouillé. Si les habitants ne reprennent pas la main maintenant, d’autres forces — l’extrême droite notamment — occuperont le terrain.

Je suis autodidacte, je me suis construite seule. Cette ville m’a formée. Aujourd’hui, j’estime lui devoir une chose : tenter de la rendre plus juste.

Dans une ville marquée par une abstention massive, comment comptez-vous élargir votre base électorale ?

Je m’adresse à tous les Meldois (NDLR : les habitants de Meaux), car je pense qu’il est temps de penser une ville véritablement unie, qui œuvre pour chacune et chacun de ses habitants.

Mais dans une ville où l’abstention dépasse 70 %, il est crucial d’aller chercher celles et ceux qui sont écœurés par la politique, ceux qui pensent que voter ne sert à rien.

À Meaux, le maire est élu avec 4 000 à 6 000 voix dans une ville qui compte près de 60 000 habitants. Le pouvoir ne peut pas reposer sur un tel vide démocratique.

Vous affirmez que la situation sociale s’est fortement dégradée à Meaux, en particulier dans les quartiers populaires. Quels constats vous amènent à ce diagnostic ?

Sur la réalité sociale. La précarité a explosé. Le chômage dépasse les 40 % dans certains secteurs. Les familles monoparentales n’ont quasiment aucune solution de garde : trois crèches municipales seulement pour une ville de cette taille.

Les loyers sont devenus insupportables depuis que la ville a été livrée aux promoteurs. Le prix du m² a augmenté de 24 % en cinq ans. Les équipements de proximité ont disparu, tout comme les éducateurs spécialisés.

Le travail social a été remplacé par de la communication. M. Copé promet beaucoup, mais l’urgence sociale, elle, demeure.

À partir de ce constat, quelles seraient vos priorités si vous accédiez à la mairie ?

D’abord, plafonner les loyers pour enrayer la flambée qui chasse les habitants hors de Meaux.

Ensuite, engager un mouvement vers la gratuité de la cantine scolaire, avec pour objectif d’y parvenir d’ici la fin du mandat, afin qu’aucun enfant n’aille à l’école le ventre vide.

Troisième mesure : réinvestir massivement dans la jeunesse, avec le retour d’éducateurs spécialisés, des dispositifs de prévention et des activités accessibles, y compris des colonies de vacances.

Quatrième priorité : un véritable plan de soutien aux commerçants, notamment en travaillant sur l’accessibilité du centre-ville et en orientant la commande publique vers le local.

Enfin, une réorganisation de la sécurité, fondée sur le retour d’une police de proximité et un travail coordonné entre acteurs sociaux, écoles, associations et gardiens de la paix.

La sécurité est au cœur du débat local. Vous dites que la principale insécurité est d’abord sociale. Comment cela se traduit-il concrètement dans votre projet ?

On ne réglera rien uniquement par la répression. Aujourd’hui, la police intervient surtout pour sanctionner. Elle doit redevenir un lien, un repère. Je veux un système cohérent dans lequel services sociaux, associations, écoles et police travaillent réellement ensemble.

Et je souhaite engager les entreprises qui s’installent à Meaux : lorsqu’une société arrive sur le territoire, elle doit proposer des emplois aux jeunes de la ville.

La sécurité n’est pas un slogan. C’est un tout : emploi, logement, prévention, présence humaine.

Vous décrivez une campagne sous pression, marquée par des entraves répétées. Comment caractérisez-vous le climat politique à Meaux aujourd’hui ?

Depuis des mois, nous faisons face à des obstacles constants. L’accès aux salles municipales a été limité à une par mois — une décision jugée illégale par le tribunal administratif, qui a condamné la mairie.

À peine le jugement rendu, un nouvel arrêté a été pris : deux salles maximum par mois. C’est très peu. Pendant ce temps, l’équipe du maire sortant déploie librement des tentes promotionnelles.

Toutes ces mesures traduisent l’inquiétude de M. Copé. Il a peur de perdre Meaux. Par ailleurs, on tente de me coller l’image d’une femme violente, dangereuse, « sauvage ». C’est une stratégie classique pour discréditer quelqu’un issu des quartiers populaires.

J’ai vécu des situations étonnantes. Lors d’une séance photo avec un photographe indépendant, la police municipale est intervenue alors que nous étions simplement dans un jardin public. Le photographe m’a confié que le maire le suivait sur Instagram.

Cela alimente un climat de suspicion généralisée. Les habitants ressentent cette peur diffuse. Après cinq mandats, un pouvoir finit par considérer la ville comme un territoire privé.

 

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