Youssef Chahed : Pas de camps de migrants en Tunisie

 Youssef Chahed : Pas de camps de migrants en Tunisie

Le camp de Choucha


Avant même sa rencontre avec Angela Merkel mardi, le premier ministre tunisien a rejeté en bloc les demandes de l'Allemagne qui reproche à Tunis, après l'attentat de Berlin, son manque de coopération en matière migratoire. Youssef Chahed a notamment rejeté l’idée d’installer des camps de migrants en Tunisie évoquée par les autorités allemandes.


 


Rencontre délicate entre Youssef Chahed et Angela Merkel


La chancelière allemande avait indiqué samedi vouloir signifier, lors de la venue à Berlin de son homologue Youssef Chahed, que la Tunisie devait arrêter de freiner les expulsions des sans-papiers, en particulier s'agissant de personnes liées à la mouvance salafiste. Berlin adresse le même type de reproches à l'Algérie et au Maroc.


Cas emblématique, Tunis a bloqué des mois durant en 2016 l'expulsion d'Anis Amri, l'homme qui finira par tuer 12 personnes à Berlin le 19 décembre en attaquant au camion-bélier pour le compte du groupe Etat islamique un marché de Noël à Berlin. « Les autorités tunisiennes n'ont fait aucune erreur », a affirmé Youssef Chahed dans une interview au quotidien populaire Bild mardi, semblant même rejeter la faute sur Berlin.


« Nous attendons des autorités allemandes des preuves limpides que la personne est vraiment tunisienne. Les migrants clandestins utilisent de faux papiers et ralentissent la procédure », a-t-il dit. Il a aussi minimisé l'ampleur du problème : « c'est un nombre très restreint, 1 000 personnes ».


 


Pas de camps en Tunisie pour les demandeurs d’asile naufragés


Toujours dans Bild, le premier ministre tunisien a aussi dit « non » à Mme Merkel sur son idée de camps en Tunisie pour y accueillir les migrants sauvés au cours de leur traversée de la Méditerranée depuis la Libye et empêcher ainsi leur arrivée en Europe. « Nous devons parler, calmement et respectueusement, des possibilités qui existent dans ce domaine », a dit la chancelière.


« La Tunisie est une jeune démocratie, je ne pense pas que cela puisse marcher, et nous n'avons pas de capacités pour des camps de réfugiés. La solution doit être trouvée avec la Libye » où les passeurs profitent du chaos et de l'absence d'un Etat fonctionnel, a souligné M. Chahed. Le refus tombe en pleine année électorale sensible pour la chancelière, qui est attaquée jusque dans son camp conservateur pour sa politique d'accueil des migrants de 2015. Le parti populiste anti-immigration AfD profite de la situation pour s'ancrer dans le paysage politique, accusant Mme Merkel d'avoir mis le pays en danger.


 


Pas de chantage à l’aide au développement


Le gouvernement allemand est d'autant plus exaspéré que statistiquement Tunisiens, Algériens et Marocains n'obtiennent le statut de réfugié que dans respectivement 0,8 %, 2,7 % et 3,5 % des cas. Mais le sujet des expulsions est aussi très sensible en Tunisie, pays gangréné par le chômage des jeunes. Nombre de familles vivent en effet de l'argent de proches installés en Europe.


Promettant de soutenir la Tunisie par sa politique de développement et d'investissement, Mme Merkel a semblé écarter la menace de conditionner l'aide à Tunis à ses progrès sur la question migratoire, contrairement à ce qu’avaient évoqué plusieurs responsables allemands en janvier.


Enfin, la chancelière entend aborder le sujet des droits de l'Homme, à l'heure où Amnesty International s'inquiète du retour des « méthodes brutales » dont usait le régime déchu de Zine El Abidine Ben Ali.


Rached Cherif

Rached Cherif