Le retour des méthodes brutales de la police inquiète

 Le retour des méthodes brutales de la police inquiète

Manifestation contre la persistance de la torture en Tunisie en juin 2015. Rached Cherif/LCDA


Amnesty International s'inquiète d'une recrudescence « importante » de « méthodes brutales du passé » en Tunisie dans le cadre de la lutte antiterroriste, à la faveur notamment de l'état d'urgence, selon un rapport publié lundi. Un retour en arrière qui fait peser une sérieuse menace sur les acquis démocratiques obtenus depuis 2011.


 


« Sinistre rappel du régime » de l’ère Ben Ali


L'unique pays rescapé du Printemps arabe a connu à partir de mars 2015 une série d'attaques jihadistes sanglantes qui ont fait plusieurs dizaines de morts. En réaction, les autorités ont pris un ensemble de mesures sécuritaires, dont l'état d'urgence, en vigueur depuis l'attentat contre un bus de la garde présidentielle en novembre 2015 à Tunis (12 agents tués).


En « recourant de plus en plus aux lois d’exception » et aux « méthodes brutales du passé », la Tunisie met « en péril les avancées obtenues » depuis la révolution de 2011, prévient Amnesty International dans un rapport sur les « violations des droits humains sous l'état d'urgence ».


« Torture », « arrestations arbitraires », « perquisitions » parfois menées en pleine nuit et « sans mandat », « restriction des déplacements des suspects », « harcèlement de proches » : l'ONG fait état de « récits glaçants » qui, selon elle, marquent une « hausse inquiétante du recours à des méthodes répressives contre les suspects dans les affaires de terrorisme ». Ces témoignages constituent un « sinistre rappel du régime » de Zine el Abidine Ben Ali, poursuit Amnesty.


 


23 cas de torture et mauvais traitements depuis janvier 2015


L’ONG précise avoir étudié « 23 cas de torture et mauvais traitements depuis janvier 2015 », dont un « viol » présumé. Elle relève aussi que « des milliers de personnes ont été arrêtées » tandis qu'« au moins 5 000 » autres « se sont vu interdire de voyager » depuis que l'état d'urgence a été réinstauré.


L'état d'urgence, prolongé le 17 janvier pour un mois, octroie notamment des pouvoirs d'exception aux forces de l'ordre. Or, « certains droits, tels que l'interdiction de la torture, ne peuvent être suspendus en aucune circonstance », argue Amnesty International. « Donner toute latitude aux organes chargés de la sécurité pour se comporter comme s'ils étaient au-dessus des lois ne permettra pas de garantir la sécurité », renchérit sa directrice des recherches pour l'Afrique du Nord, Heba Morayef.


Au terme de sa dernière mission en Tunisie, le rapporteur de l'ONU sur les droits de l'Homme et la lutte antiterroriste, Ben Emmerson, s'est dit « préoccupé » par les conditions de détention. Il a également indiqué avoir recommandé une plus grande « vigilance » vis-à-vis de possibles cas « de torture ». Dans un récent rapport, un réseau d'ONG a pour sa part exhorté Tunis à revoir sa loi antiterroriste adoptée à l'été 2015.


Rached Cherif


(Avec AFP)

Rached Cherif