CAN. Plus qu’un tournoi, le miroir d’une fierté maghrébine

Des supporters regardent le match Croatie-Maroc pour la troisième place de la Coupe du monde 2022, dans un bar parisien. © Martin Lelievre/AFP
Dans les cafés du sud de la France ou de la région parisienne, les descendants d’immigrés d’Afrique du Nord s’apprêtent à vibrer au rythme du ballon rond. Pour eux, la CAN dépasse le sport : elle réveille une mémoire et un lien intime avec leurs origines.
Partout, l’excitation monte à mesure que le tournoi approche. Dans les barbershops, les commerces de quartier ou sur les réseaux sociaux, les débats s’enflamment déjà. Chacun y va de son pronostic, de son souvenir ou de son maillot fétiche.
« La CAN, c’est notre Coupe du monde à nous », lance Anis, Franco-Tunisien attablé à la terrasse d’un café toulonnais dans le Var. Et même si, en ce samedi ensoleillé, les matchs de Premier League défilent sur l’écran, c’est bien la Coupe d’Afrique des nations qui anime les conversations.
« Durant un mois, on laisse de côté les soucis et les problèmes. Tout ce qui nous intéresse, ce sont les matchs. On se retrouve avec le maillot, derrière notre équipe, la fierté du pays », ajoute ce quadragénaire, qui se souvient de sa joie en 2004 lorsque la Tunisie a remporté la CAN face au Maroc.
Cette fierté, ce sentiment d’élévation, tous les Tunisiens l’ont éprouvée cette année-là. Pour beaucoup, ces souvenirs sportifs dépassent la simple passion du foot. Ils s’entremêlent à l’histoire familiale, aux récits du pays quitté, aux images d’un ailleurs resté présent dans la mémoire collective.
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Un même sentiment d’appartenance
À quelques tables de là, Samir, Franco-Algérien d’une quarantaine d’années, garde lui aussi des souvenirs intenses. Il a vécu le sacre des Fennecs en 2019 dans son pays d’origine. Les frissons le traversent encore :
« Dehors, c’était la fête, tout un pays dans les rues. Les gens chantaient, dansaient, même les chameaux arboraient nos couleurs. J’ai connu 1998 en France, la victoire de 2018 aussi, mais c’est incomparable avec la CAN 2019. Les festivités ont duré tout l’été, les gens avaient oublié leurs problèmes et plus personne ne voulait quitter l’Algérie. »
Partout dans la diaspora, ces souvenirs ressurgissent à l’approche du tournoi. Les victoires passées se racontent comme des légendes familiales, et l’attente d’un nouveau triomphe réunit les générations. Au-delà des drapeaux, c’est une même émotion, un même sentiment d’appartenance qui relie Tunis, Alger, Casablanca et les banlieues françaises.
Dans les cafés de Marseille, de Lyon ou de Saint-Denis, les matchs de la CAN prennent des allures de fête populaire. On se réunit autour d’un écran géant, les tables débordent de café, de thé à la menthe, de cacahuètes et de rires. Les plus jeunes vibrent au rythme des actions, les anciens commentent les exploits passés, parfois la larme à l’œil.
« Pendant la CAN, on se sent un peu plus proches de chez nous », avoue Anis.
Après chaque victoire, les supporters chantent dans les rues de l’Hexagone leur joie d’appartenir à une nation, dont ils arborent fièrement les couleurs.

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Maghreb United
Comme en écho à ces mémoires, les regards se tournent désormais vers le Maroc, hôte de cette édition. Les deux dernières victoires maghrébines ayant été remportées à domicile, l’espoir est grand chez les supporters des Lions de l’Atlas. Après le parcours héroïque de 2022 au Qatar, la CAN est vue comme l’occasion de prolonger la magie.
Smaïn et Hakim, deux amis marseillais, attendent eux aussi, une tasse de café à la main, le coup d’envoi de la compétition :
« On espère un titre depuis si longtemps, affirme Hakim. On a déjà atteint la finale en 2004 mais, depuis le dernier Mondial, on sait qu’on a l’une des meilleures équipes du monde. On vient aussi de gagner le Mondial des moins de 20 ans face à l’Argentine. Il faut maintenant confirmer à la maison, devant notre peuple. »
Les deux hommes ont déjà leur maillot fétiche sur les épaules au café, comme un rituel. « On arrive toujours un peu en avance pour échanger avant chaque match, qu’on vit ensuite tous ensemble, avant l’explosion de joie lors de la victoire. Une vraie fête ! », s’enthousiasme Smaïn.
D’autres ont fait le choix de « casser leur PEL » pour l’occasion. Yacine et son épouse Sherazade, jeunes mariés installés en Seine-Saint-Denis, préparent le voyage où ils assisteront à un match de chaque équipe du Maghreb. Lui est tunisien, elle est algéro-marocaine.
« Nous voulons vivre ça de l’intérieur et soutenir chaque équipe. Bien sûr que je suis pour la Tunisie et que je souhaite qu’elle gagne, mais je serai derrière le Maroc ou l’Algérie si une seule équipe se retrouve en finale. Maghreb United ! »
Sur les deux rives de la Méditerranée, la CAN s’annonce comme bien plus qu’un tournoi. Partout les mêmes chants, les mêmes drapeaux… Et quand les buts déclenchent des cris de joie, ce n’est pas seulement une équipe que l’on célèbre, mais toute une mémoire qui s’embrase à nouveau.
Au fond, la CAN agit comme une boussole, en rappelant à chaque émigré africain ses origines et tout le chemin parcouru. Vibrer pour elle, c’est encore une façon d’aimer d’où l’on vient. Dans la diaspora, ce mois de compétition devient un miroir où se reflètent les liens, les transmissions et la part d’Afrique que l’on porte toujours en soi.
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