Démission de Noureddine Taboubi : mini séisme syndical en Tunisie

La scène syndicale tunisienne a été secouée mardi 23 décembre par l’annonce de la démission de Noureddine Taboubi, secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT). Pourquoi maintenant ?
Figure aussi incontournable que controversée du syndicalisme tunisien, Taboubi quitte la direction de la puissante centrale syndicale après plusieurs années de tensions internes et d’affrontements ouverts avec le pouvoir. A quelques encablures de la grève générale du 21 janvier, si certains évoquent une désertion en pleine lutte, d’autres évoquent un coup de bluff : jouer la carte de la démission pourrait en réalité le renforcer en cas de rejet de ce départ par la plus haute instance de l’UGTT.
Une démission annoncée depuis plusieurs semaines
La décision de Noureddine Taboubi n’est pas totalement une surprise. Depuis la dernière réunion de l’Instance administrative nationale de l’UGTT, le leader syndical avait en effet à plusieurs reprises brandi la menace de la démission, sur fond de divergences profondes au sein de la centrale entre un clan loyal et un autre pro pouvoir, du moins peu enclin à un clash frontal avec les autorités. Des sources syndicales parlent ainsi d’un climat interne délétère, marqué par des désaccords sur la stratégie à adopter face au gouvernement et sur l’avenir du rôle politique du syndicat.
La démission de Taboubi apparaît ainsi comme l’aboutissement d’un bras de fer prolongé, tant avec certaines structures internes de l’UGTT qu’avec les autorités, dans un contexte social et économique particulièrement tendu. Pour ses partisans, il s’agit d’un choix de responsabilité. Pour ses détracteurs, cette sortie est perçue comme un « abandon en rase campagne » à un moment critique pour le mouvement syndical.
Un leadership aussi puissant que controversé
Arrivé à la tête de l’UGTT en 2017, Noureddine Taboubi s’est imposé comme l’un des acteurs politiques et sociaux les plus influents du pays dans la durée. Arrivé lors d’une difficile succession après le nobélisé Houssine Abassi, son mandat a été marqué par une ligne dure face aux gouvernements successifs, des mobilisations sociales de grande ampleur et une implication directe du syndicat dans les grands débats nationaux.
Mais ce leadership affirmé lui a également valu de vives critiques, y compris en interne. Certains lui reprochaient une personnalisation excessive du pouvoir syndical et une politisation accrue de l’UGTT, au détriment de sa mission sociale traditionnelle, tandis que d’autres le critiquent pour s’être récemment beaucoup trop rapproché des partis de l’opposition, grands perdants de cette phase historique que vit le pays.
La démission de Noureddine Taboubi ouvre désormais une période d’incertitude pour l’UGTT, appelée à désigner une nouvelle direction dans un contexte de fortes attentes sociales. Elle pose aussi la question de l’avenir du rôle du syndicat sur l’échiquier politique tunisien, à un moment où le dialogue social semble plus fragilisé que jamais.
