Divorces, natalité, mariage, réseaux sociaux : les profondes mutations de la société tunisienne

 Divorces, natalité, mariage, réseaux sociaux : les profondes mutations de la société tunisienne

Les dernières statistiques en date révélées par le récent recensement général en Tunisie continuent de susciter diverses lectures analytiques de sociologues. Le pays connaît un retard notable dans l’âge du mariage et une hausse ostensible du célibat, mais pas uniquement.  

Lors d’une intervention aussi remarquée que qualitative autour du thème du « rejet croissant du projet du mariage » par la jeune génération, le sociologue et universitaire Mamdouh Ezzedine a indiqué que l’âge moyen du mariage en Tunisie est désormais estimé à 34 ans pour les hommes et 29 ans pour les femmes. Le prolongement des études, la cherté de la vie moderne mais aussi d’autres facteurs idéologiques expliquent ce constant ajournement du mariage « qui n’est plus perçu comme un projet de vie commune mais davantage comme alliance d’intérêt au sein de la société de consommation ».

 

Divorce silencieux et silver divorce

Lors de ce même passage radio le 8 décembre 2025, Ezzedine a ajouté que depuis 2011, le nombre de contrats de mariage est en constante diminution. L’année 2024 a notamment enregistré 70 000 mariages, soit une baisse de plus de 10 % en une seule année par rapport à 2023, année où l’on comptait 78 000 unions. Cette tendance baissière contribue à la réduction du taux de natalité, passé de 225 000 naissances en 2014 à seulement 160 000 en 2023. Même corrélation quant à la diminution de la taille moyenne des familles, qui passe de cinq à trois membres, sorte de « nouvelle norme ».

Le sociologue souligne également l’augmentation substantielle des divorces, étayée par des chiffres précis une fois n’est pas coutume, les statistiques étant particulièrement difficiles à établie en la matière. En 2024, 16 000 divorces ont en effet été recensés, dont plus de 30 % surviennent dans les dix premières années de mariage, et l’âge moyen du divorce est de 36 ans. Près de 600 000 enfants vivent dans des familles divorcées, dont 104 cas ayant conduit au suicide en raison de crises émotionnelles liées au divorce et aux difficultés d’adaptation.

« Près de 60% des mariages, 58% pour être exact, se terminent par ailleurs en divorce lors de la dernière décennie. Autrement dit, 6 couples mariés sur 10 ont divorcé depuis 2015, avec une hausse inédite des remariages et du divorce chez les plus de 60 ans », appelé silver ou divorce des seniors. Etre « un jeune » n’est plus perçu comme un âge explique-t-il mais comme un état d’esprit.

M. Ezzedine note en outre une augmentation des relations sexuelles hors mariage et un changement du concept traditionnel du mariage en Tunisie, désormais perçu comme un “marché” basé sur l’intérêt et la rentabilité, plutôt que sur la stabilité, la continuité de la relation et le partage de la vie.

Que nous disent ces chiffres à propos des couples non divorcés ? Interrogé sur le phénomène grandissant du « silent divorce » le professeur reconnaît qu’il est difficile en sociologie d’émettre une hypothèse autour d’un non-dit, les conjoints étant rarement transparents à ce sujet même lorsqu’ils font chambre à part depuis de longues années. Il soupçonne toutefois une explosion de ce phénomène à l’aune des profondes mutations engendrées par l’entrée dans nos vies des réseaux sociaux et de la tromperie dite digitale, elle aussi en plein boom.